Melide, 27 juin 2011
Je dors peu et mal. La plupart des pèlerins se lèvent tôt. Je me demande combien d'entre eux ont bien dormi.
Nous partons à six heures et nous déjeunons dans un bar de Ventas de Narón.
À Palas de Rei, nous décidons qu'aujourd'hui nous irons jusqu'à Melide. Nous passons devant les albergues que nous avons cochés hier : Ponte Campaña, Casanova, O Coto (Leboreiro).
Peu avant Leboreiro nous nous regroupons. Depuis quelque temps déjà, une pointe de douleur élance dans le pied droit.
Mes compagnons visitent l'iglesia de Santa Maria de Leboreiro.
J'en profite pour examiner mon pied et tendre ma chaussette droite, mais la douleur reprend quand je marche.
Sur les six derniers kilomètres de l'étape, je m'aligne sur le pas de Pierre qui, exalté par ses chansons, marche comme un gladiateur. Il chante des chants scouts et des chansons de Jacques Brel et de Jean Ferrat. Il a une prédilection pour « ma France » de Ferrat, une belle chanson d'ailleurs.
Cela me fait une drôle d'impression, cette évocation des paysages français au beau milieu de paysages galiciens. Cela me semble surréaliste. Et puis ici, tout le monde n'a peut-être pas oublié « Pepe Botella ». Qu'en penserait Goya ?
Si je devais choisir une chanson de Ferrat, je préférerais sans doute « camarade » (c'est un joli nom). Mais ici, en Galice, dans le pays du caudillo, avec le sens qu'a eu « camarada » au temps du franquisme, cela me semble encore moins indiqué que de clamer la splendeur de la France de Ferrat.
Laissons l'Ardèche aux Ardéchois et la Galice aux Galiciens !
Une belle croix de Saint-Jacques est dressée près de l'usine Weber et Broutin.
Parque empresarial A Madelena
Weber et Broutin ?
La France est plus proche qu'on ne l'aurait cru !
Nous traversons un pont roman à l'entrée de Furelos.
Pierre et moi arrivons à Melide à deux heures. Nous nous installons à une terrasse. André C. nous rejoint. Puis c'est Ruben, qui nous dit que nous avons mis une heure pour faire six kilomètres.
Au gîte municipal, on attribue les lits à l'accueil, mais comme mon appareil respiratoire requiert une prise, je me retrouve loin de mes compagnons.
Le pied droit fait mal. Les deux plus petits orteils sont très rouges. Ma chaussure est devenue plus étroite. En la recollant, le cordonnier l'a rendue plus serrante. En plus, mes chaussettes élimées ne me protègent plus les pieds.
À cinq heures, je vais acheter des chaussettes et du Compeed antifriction. Les seules chaussettes que je trouve sont d'un rouge orangé violent. En plus elles sont surdimensionnées. Et chaudes !
À sept heures, nous allons manger. Pierre n'a pas envie de poulpe, la spécialité de Melide. Moi non
plus !
Pour une fois nous ne prenons pas le menu pèlerin, et nous mangeons bien pour un prix à peine supérieur.
Voilà qui me réconcilie avec la vie « normale ».
Dans le gîte, je suis près d'un ronfleur particulièrement bruyant et obstiné qui nous tient tous
éveillés dans cette partie du dortoir.
L'un de nous a abandonné tout espoir de dormir et lit un livre à l'aide de sa lampe de poche.
Un autre secoue mon lit, car il croit que c'est moi qui ronfle, mais il se rend vite compte de son
erreur.
Je passe une nuit blanche.