Gonzar, 26 juin 2011
Nous partons à six heures dix. Je trouve qu'il fait déjà chaud.
Après Peruscallo, un thalweg aménagé permet à l'eau de passer sous une grille métallique.
Dans Brea, un chien monte la garde et nous observe.
À la sortie du hameau de Brea, nous passons devant la borne des cent kilomètres.
Cent kilomètres, c'est ridiculement peu, je ne parviens pas à réaliser que je suis si près de Santiago.
Cette balise « ? » intervertit les rôles en questionnant le marcheur.
L'inscription « hoy no mañana » (pas aujourd'hui, demain) incite à remettre au lendemain.
Pendant neuf kilomètres, le camino monte en contournant l'alto de Páramo.
Tous les bars sont fermés jusqu'à Ferreiros, où nous mangeons.
Je parle avec des pèlerins français. Un vient de Bazancourt, près de Reims et les deux autres de Lyon.
Je fais tamponner ma crédenciale dans le bar.
Nous marchons à un rythme soutenu.
Des « indignados » nous dépassent. Ils parcourent le pays en tous sens pour mieux faire connaître leur combat, pour mobiliser contre les folies du monde financier et pour promouvoir un retour à la démocratie dans un esprit de tolérance.
Leur modèle est le réveil arabe ; Barcelone et la Puerta del Sol de Madrid résonnent des mêmes accents que la place Tahrir (place de la libération) du Caire. Mais s'il semble y avoir une place pour la démocratie dans les pays arabes, il n'en va pas de même dans l'Union européenne.
Celle-ci fait l'éloge des manifestants et critique les dirigeants dans les pays arabes, mais elle matraque les indignados et maintient le déficit démocratique de la Commission européenne dans l'Union : « Faites comme je dis, mais pas comme je fais ! »
Je suis entièrement d'accord avec les indignados, je devrais marcher avec eux. Cela me tente d'autant plus que je suis à moins de cent kilomètres de Santiago.
Faire plus de deux mille kilomètres et changer de route au dernier moment, c'est le genre d'acte fou qui m'enivre de joie et de liberté. Je ne suis pas certain que mes compagnons comprendraient ma décision, mais j'ai désormais une dette envers les indignados.
Nous arrivons à Portomarín, devant un très grand pont sous lequel passe une large rivière, le río Miño.
Les piliers et le tracé d'un ancien pont sont bien visibles dans le río.
À l'entrée de Portomarín, un grand escalier nous conduit dans la ville.
Je prends en photo l'ayuntamiento (la maison communale) de Portomarín.
Je photographie aussi l'iglesia (l'église) fortifiée de Portomarín.
Nous nous asseyons à une table d'un bar près de l'église.
Pierre nous explique que la ville a été mise sous eau suite à la construction d'un barrage et qu'on l'a reconstruite plus haut en déménageant pierre par pierre les monuments et les bâtiments les plus importants.
Quand nous quittons la ville, il fait très chaud.
Nous marchons vite.
Nous arrivons tôt au gîte de Gonzar, la « Casa Garcia ».
L'albergue fleure les « bonnes » odeurs de la ferme, en particulier celle de la bouse de vache. Nous dormons dans un bâtiment au sol pavé, bas et frais, ce qui est appréciable par le temps qu'il fait.
Notre ami flamand (que nous appelons Jean par commodité) fait « découvrir » le reggae à un jeune Espagnol enthousiaste.
Nous soupons à sept heures dans la salle à manger de la maison, car la salle du restaurant est bondée.
Il fait très chaud et très lourd. Les masses nuageuses sont très menaçantes, mais finalement, aux alentours de dix heures, elles se dissipent sans pluie ni orage.
Comme il fait encore chaud, je ne vais dormir que vers dix heures et demie. Le dortoir est d'autant plus chaud que nous sommes nombreux.