Penne-d'Agenais, 19 mai 2011
Je suis énervé et je dors mal. Je me lève à quatre heures et demie. J'espère rejoindre Robert à Tournon-d'Agenais. Je déjeune rapidement.
Le jour se lève timidement, car il y a beaucoup de nuages, notamment à l'est. Je ne pars qu'à six heures moins le quart. Mes yeux s'habituent à la pénombre et je progresse sans difficulté.
J'arrive à Tournon-d'Agenais à sept heures moins le quart.
Je monte dans la ville dans l'espoir de trouver Robert. Je ne sais pas où il a dormi. Il cherche
d'ordinaire des solutions bon marché. Il peut même être allé au camping.
Je ne le vois nulle part. S'il est parti à six heures et demie, il est devant moi.
Je quitte Tournon à sept heures. Je marche d'un bon pas dans l'espoir de le rattraper, mais sans forcer, car je n'ai pas assez mangé et je suis fatigué par ma mauvaise nuit.
À Dausse, j'achète du pain, du fromage, une canette de Coca-cola et un Mars. Le pain est en dépôt
à la mairie, ce qui me surprend un peu.
Près de l'église de Dausse, il y a une table de pique-nique et je mange copieusement.
Je me dis que Robert est derrière moi, sinon je l'aurais rattrapé.
Trois quarts d'heure plus tard, je ne vois toujours pas Robert ! Serait-il quand même devant moi ?
Je l'attends peut-être en vain.
La chaleur monte et il me reste neuf kilomètres à faire.
Je repars mollement, alourdi par mon repas et ralenti par les fortes montées qui mènent au château de Noailhac. Après le château, je reprends mon rythme de marche habituel et j'arrive à Penne-d'Agenais à midi et demi.
J'entre dans Penne-d'Agenais par la porte de Ferracap.
Penne est une ancienne ville fortifiée qui connut des heurs et des malheurs nombreux pendant la croisade catholique contre les Cathares et la guerre de Cent Ans.
La porte de la ville est couverte de signaux routiers et de balises.
Il paraît que Santiago de Compostela est à 1.156 kilomètres.
Et soudain j'ai l'impression que ce n'est plus grand-chose, d'ailleurs j'ai fait bien plus, au moins
mille cinq cents kilomètres.
Dans cette vieille ville pittoresque il n'y a pas de magasin. Ils sont dans la vallée, à Saint-Sylvestre-sur-Lot. Je ne peux pas acheter de savon ni de cahier de brouillon, je ne peux pas recharger mon portable, c'est juste un lieu touristique.
Je vais à l'hôtel « le Compostelle d'Agenais » non loin d'un centre scolaire. Un ouvrier pose des dalles de tapis dans le couloir qui conduit à ma chambre. Je m'installe.
Je me sens bizarre, j'ai l'impression que je vais perdre connaissance, je suis étrangement faible.
Pourtant je bois suffisamment. Je bois même beaucoup, car il fait chaud et j'ai soif.
Je me repose avant de prendre une douche.
Après la douche je vais un peu mieux et je monte dans Penne-d'Agenais dans l'espoir de quand même trouver un magasin. Il n'y en a pas un seul.
Robert est introuvable. Je vais à la porte Ferracap et je tourne un peu en rond dans l'espoir de le voir arriver.
Et il arrive ! Joie ! Je lui offre un verre et nous échangeons nos numéros de portable, ce qui simplifiera nos échanges à l'avenir.
Nous rencontrons la responsable de l'Office du Tourisme, qui me confirme qu'il n'y a pas de magasin dans le village. Par contre, je peux recharger mon portable à la poste.
Robert me propose de faire une sortie en ville ce soir. Comme je continue à me sentir très faible, je décline son invitation et je lui dis que je préfère me reposer.
Robert réserve son logement. Nous nous fixons rendez-vous pour demain à la sortie de Penne-d'Agenais. Je lui dis que je quitterai mon hôtel à huit heures.
Je recharge mon portable, je retourne à l'hôtel et je réserve pour Condom et pour Escoubet. J'envoie un SMS à mon frère concernant le coût des communications directes.
Je me sens toujours faible, je prends un Dafalgan et je me repose.
À six heures, je vais dans un petit restaurant au centre de Penne-d'Agenais et je mange des pâtes avec
appétit.
Tout à coup je me demande si mon malaise général ne serait pas dû à un manque de sel. Je transpire
beaucoup ces derniers jours et je sale rarement mes aliments.
Je verse du sel en abondance sur mes pâtes jusqu'à ce que je constate que le serveur me regarde d'un
drôle d'air. Je l'assure que la nourriture est excellente, mais je ne le convaincs pas.
James Brown est à l'honneur, une musique que j'apprécie. Je le dis au serveur, qui semble ne pas avoir
les mêmes goûts musicaux.
Tout cela est un archipel de malentendus, et c'est un peu long à rattraper.
« Get Up Offa That Thing » que je traduis librement par : « Laisse tomber ce brol ! »
Les gens sont bourrés d'idées sur tout, fausses ou vraies peu importe. Et je ne suis pas différent d'eux.
Mais la musique et les chansons permettent de s'en foutre. Laisse tomber ce brol et danse ! Ce n'est pas
Stromae qui dira le contraire. « Sans la musique, la vie serait une erreur. »
Je reviens à l'hôtel. Je me repose en attendant les prévisions météo.
Le temps reste à dominante chaude et ensoleillée. Il y a localement un risque d'orage demain après-midi
et il y aura quelques nuages dimanche, mais samedi ce sera la canicule.
Aïe ! C'est le jour de la très longue étape vers Agen !