De l'aube à l'aurore - L'ermite et le pèlerin - Vitry-le-François (28 mars 2011)

Un monde à refaire

Cabo Fisterra

Vitry-le-François, 28 mars 2011

Je déjeune à sept heures et demie. Comme pour le repas d'hier soir, je demande le minimum. Et pourtant ce séjour me coûte septante euros, un prix exorbitant ! Chaque menu petit service est comptabilisé.

Je dois faire très attention quand je réserve dans un hôtel. Dans nos sociétés occidentales « un peu beaucoup délirantes », l'objectif n'est pas de rendre service au client, mais de lui soutirer un maximum d'argent.
Ce culte de l'argent surdétermine toute forme de solidarité, de convivialité ou de socialité. Dans ce système dément au point d'être condamné à devoir crever à plus ou moins brève échéance, plus on arnaque, mieux on réussit.

Ce matin le petit bouton rouge du pied droit ne me fait plus mal. Je n'irai voir un pharmacien que si la douleur revient en cours de route.

Akitas inus À Saint-Amand-sur-Fion je ne résiste pas à l'envie de photographier des mignons akitas inus, des chiens japonais.

Je rencontre des légères montées et des petites descentes, ce n'est plus la terne monotonie des jours précédents.

Banc devant un terrain de pétanque Le premier banc que je trouve est près de Saint-Lumier-en-Champagne, devant un terrain de pétanque.

Je vois de très loin l'arbre qui domine le mont de Fourche. J'ai des fourmis dans les jambes rien qu'à l'idée de pouvoir grimper.

Je monte la pente douce du mont de Fourche avec plaisir. Enfin autre chose que du terrain plat !

Arbre du mont de Fourche Et voici l'arbre remarquable du mont de Fourche.

Au sommet la vue porte loin en dépit de la faible différence d'altitude. Le « mont » ne fait que septante mètres de haut.

Je descends dans la vallée de la Saulx, je traverse un sous-bois très agréable, mais je ne trouve toujours pas de banc.

Tronc d'arbre et sac à dos Je m'assieds sur un tronc au Bas Village, peu avant Vitry-le-François.

Je mange les quatre barres de céréales qu'il me reste et je repars.

Peu avant d'entrer dans la ville, j'aperçois un banc en contrebas du chemin de halage. En fait il y a beaucoup de bancs à partir d'ici.

Le pied droit pince à l'endroit du petit bouton rouge. C'est très supportable, mais je crains que cela s'aggrave si je ne fais rien. Je décide d'aller dans la première pharmacie que je trouverai pour demander de quoi soigner ce petit bobo.
Pour que le pharmacien puisse bien examiner la petite blessure, je défais ma bottine droite et je retire le Compeed. Et j'ai la surprise de constater que mon petit bouton rouge est devenu blanc et dur, un durillon ou une ampoule.
L'absence du Compeed ne me gêne pas pour marcher. Je me demande si j'ai eu raison de le mettre. Je me suis peut-être alarmé pour rien.

À l'entrée de la ville, je vois une grande pharmacie. Je m'adresse à un des pharmaciens, qui m'examine attentivement le pied. Il me dit que cette petite boule blanche ne l'inquiète pas du tout, car il y a bien plus grave.
J'ai une crevasse sous le pied et elle est même infectée, la rougeur du pied en témoigne. Il me déconseille vivement de continuer à marcher, il me recommande d'arrêter ici mon pèlerinage et de voir d'urgence un médecin. Il est étonné que je n'aie pas plus mal.
Il connaît un excellent médecin du sport, le docteur Marzin, qui habite tout près. Il veut que je m'y rende directement.

Je me dis qu'après tout, ce n'est pas plus mal qu'un médecin examine mon pied.
Je me rends à l'adresse qu'il m'a donnée. Le médecin reçoit à partir de trois heures et demie. Comme il n'est que deux heures, je décide d'aller d'abord à la maison du doyenné et de m'y installer.

Lors de la réservation, on m'a dit qu'il est aisé de trouver le gîte, car il est juste en face de l'église Notre-Dame. Je me rends sur le parvis de l'église et je ne vois pas de gîte.
Peut-être se trouve-t-il sur un des côtés de l'église ? Je fais le tour de l'église. En vain !
Vers le sud, il y a un vaste parking et tout au bout, la préfecture. Je m'y rends et je constate qu'il s'agit de la rue de l'Arquebuse, la rue du gîte. Mais celui-ci est encore plus loin, dans un pâté de maisons à droite.
Il faut vraiment être de Vitry-le-François pour imaginer que le gîte est en face de l'église ! Pour les gens qui habitent sur place, tout semble simple, mais il n'en va pas de même pour celui qui vient pour la première fois.

Je m'installe, je prends une douche et je ne me repose pas longtemps, car je veux être chez le docteur dès le début des consultations.
Quand j'arrive chez lui, sa salle d'attente est déjà quasi pleine. Je m'assieds et je rédige mon carnet de bord.

Le docteur m'examine le pied, il passe un doigt dessus et il éclate de rire. Ma terrible crevasse n'est qu'un reste de colle de Compeed. Tout en riant il me dit qu'il m'a guéri par imposition des mains.
Par contre, le petit bouton blanc est effectivement une petite ampoule et il me la soigne. Il la vide et il la désinfecte.
Je lui dis que les Compeeds collent dans mes chaussettes et je lui demande un conseil pour retirer la colle. Il me recommande l'éther et comme en France, il faut une ordonnance pour en acheter, il m'en fait une.
Il me dit que pour l'ampoule, je dois mettre un désinfectant et un pansement la nuit ainsi qu'un Compeed le jour quand je marche.

C'est ainsi que je retrouve mon pharmacien, pas très démonté quand je lui dis que sa « terrible » crevasse n'est qu'un reste de colle.
Je lui demande de l'isobétadine en petits tubes. En fait, cela existe en Belgique, mais pas en France. Par contre, il a de l'éosine en petits tubes. Va pour l'éosine !

J'achète ensuite de quoi manger ce soir et demain matin : des cannellonis, trois oranges, du pain et du fromage.

Je retourne au gîte et je peux enfin me consacrer à mes ruminations.

Pour en revenir au Jésus « bien plus disposé à agir qu'à brandir son impuissance comme un étendard » du dix-sept mars passé, je l'imaginerais volontiers comme appartenant à une mouvance proche de Jean-Baptiste, un nazôréen comme son frère Jacques le Juste.
Mais en cette matière rien n'est sûr. Les sources sont difficiles à interpréter et le Nouveau Testament, qui est la principale source d'information sur Jésus, a connu de nombreuses modifications et manipulations.
Cela nous rend la connaissance du Jésus « historique » quasi impossible. Mon sentiment est que les experts vont pouvoir échanger leurs spéculations pendant encore des milliers d'années sans parvenir à se mettre d'accord.

En ce qui concerne mes réservations, je n'ai aucun problème jusqu'à Vézelay, sauf à Chablis où je ne trouve rien de mieux qu'un hôtel, qui risque d'être fort cher.
La personne de l'hôtel, que j'ai en ligne, me demande mon numéro de carte de banque. Je ne vois pas ce qu'elle peut faire de cette information, c'est un numéro propre à l'organisme bancaire. Je lui demande si elle ne veut pas parler d'une carte de crédit.
Elle s'énerve un peu et me dit que ce qu'elle m'a demandé, c'est mon numéro de carte de banque et pas autre chose. Je lui demande si elle ne préfère pas que je lui donne l'IBAN et le BIC, ce qui correspond mieux à une carte de banque.
Elle me répond vivement : « Surtout pas l'IBAN ! »
Pour ne pas l'énerver davantage, je lui donne le numéro de ma carte de banque. Puis elle me demande les trois chiffres qui se trouvent au verso de la carte. C'est bien d'une carte de crédit qu'elle parle !
Je lui explique la différence entre une carte de banque et une carte de crédit. J'ai l'impression de parler chinois à un Indien des plaines américaines. Elle finit par me rétorquer que toutes les cartes de banque ont trois chiffres au verso.
Je recommence mon explication. Visiblement exaspérée par ma « mauvaise volonté », elle me dit que mon numéro de carte de banque suffira. J'abandonne la partie.

Cela me fait penser à ces lieux d'hébergement où on note soigneusement le numéro de la carte d'identité au lieu du numéro de registre national. Jusqu'à présent, une seule personne a fait la transcription correcte. Il y a de quoi se tordre de rire !
Bien sûr, le numéro de la carte d'identité permet de retrouver le numéro de registre national en faisant la demande auprès des autorités belges, mais il identifie la carte tandis que le numéro de registre national identifie la personne !

À Vézelay, il n'y a pas de réservation, il faut prendre contact sur place. Pour la suite, dans le Morvan, j'ai bien du mal à trouver des hébergements. Mon guide date de 1977 et la plupart des adresses de ma liste sont périmées.
Après pas mal d'essais, je trouve un hébergement à la rue de la Croix, un hameau de Chastellux-sur-Cure. Cela va me faire une étape de vingt-quatre kilomètres avec plus de huit cents mètres de dénivelée cumulée, une étape dure, car il s'agit du Morvan.
Pour la suite, je ne trouve rien. La Chaume-aux-Renards ne répond pas. Rien non plus au Pont du Montal, ni à Dun-les-Places. Pas de réponse au chalet du Breuil ! Je pourrais aller à Marigny-l'Église, mais ce serait une étape trop courte.

J'obtiens enfin la Chaume-aux-Renards. Ils ne font plus gîte d'étape. J'insiste. La Dame me dit que comme je suis seul, elle peut exceptionnellement m'accueillir, mais que pour la nourriture, je dois m'organiser par moi-même. Je la remercie beaucoup, je suis sauvé.