La Chaussée-sur-Marne, 27 mars 2011
Je me lève trop tôt. C'est le cas tous les matins, cela devient une habitude, je ne devrais plus en parler.
Cette nuit, on a « perdu » une heure, car on est passé à l'heure d'été.
En fait on n'a rien perdu du tout. L'être humain est toujours à l'âge des cavernes en ce qui concerne
l'heure.
Il serait bien plus simple et rationnel d'avoir la même heure pour toute la planète. On ne serait pas
obligé de changer de jour quelque part dans l'océan Pacifique. Ce changement de jour est une absurdité
venue du fond des temps (si j'ose dire).
Je mets ma montre à la « nouvelle » heure. Je règle aussi mon portable. Mais je garde quatre minutes
d'avance, car je veux rester un pèlerin en avance sur mon temps. Ce n'est pas beaucoup, mais quand
même !
J'aimerais disposer de plus de temps et écrire des textes plus longs à propos de mes
ruminations. Notamment j'aimerais approfondir la comparaison entre experts et investigateurs ou
analyser le rôle joué par la Renaissance et l'humanisme dans nos agrégats de préjugés.
Ce sont des thèmes développés par Jacques Bude, professeur de psychologie sociale à l'Université de
Bruxelles, quelqu'un qui a eu une profonde influence sur ma manière de penser.
Mais un pèlerin n'est pas un ermite. Un pèlerin chemine, c'est l'ermite qui rumine.
Je mets un Compeed sur le petit bouton rouge de mon pied droit et j'enfile deux paires de chaussettes. J'espère ainsi faire disparaître les petits pincements. Demain, si cela ne va pas mieux, j'irai dans une pharmacie à Vitry-le-François.
Je descends déjeuner. Je demande à mes hôtes si je peux emporter un petit échantillon de crème solaire ; ils sont d'accord. Je paie mon séjour et mon hôte tamponne ma crédenciale.
Aujourd'hui j'ai vingt-cinq kilomètres à faire sur les boues marneuses de la Champagne.
La Marne coule paresseusement dans une vallée à peine marquée.
Je vais la longer toute la journée, tantôt de près tantôt de loin.
La boue s'agglomère sur mes bottines. Rapidement mes pieds pèsent chacun plusieurs kilos et je dois décoller mes semelles boueuses de l'argile à chaque pas. Le chemin a beau être plat, la marche est très fatigante.
Après le pont de Pogny je m'assieds sur un banc et je mange des bâtons de céréales, je décrotte mes chaussures de marche et je me repose.
De splendides cerisiers japonais se croient déjà en avril.
Pour la boue, cela s'améliore un peu en fin d'étape. Je termine plus à l'aise, je marche de mieux en mieux. Le temps est assez beau. Ce n'est pas la pluie annoncée, mais il y a de plus en plus de nuages.
J'ai mal aux pieds à cause de la double paire de chaussettes. C'était une mauvaise idée : les chaussettes compriment les pieds et les échauffent.
J'arrive trop tôt, encore une habitude dont je ne devrais plus parler !
Le centre de la Chaussée-sur-Marne est désolé. Ici pas de mairie à côté de l'église ! La commune résulte de la fusion de deux villages, Mutigny (à l'ouest) et Coulmier (à l'est).
Je sonne à l'hôtel à quatre heures. La dame me présente la chambre. C'est grand et cela risque de
coûter cher. Je lave ce que je peux, je prends une bonne douche. Mais ensuite je suis frigorifié,
car il n'y a pas de chauffage !
À sept heures, je vais chercher mon plateau-repas. Comme je me plains du froid, l'hôtelière donne un peu
de chauffe. Cela va mieux. Je mange bien.
Je mets la télévision pour regarder les prévisions du temps. Je n'ai que trois postes, TF1, A2, FR3.
Ils ne parlent que des résultats des élections cantonales. Si je comprends bien, tous les partis ont
gagné, ce qui me semble bizarre d'un point de vue arithmétique.
Je n'obtiens les prévisions météorologiques qu'à neuf heures sur TF1.