O Cebreiro, 23 juin 2011
J'ai bien dormi.
Le gîte d'étape est construit tout en hauteur contre un rocher (« la Piedra ») qui se trouve dans la
maison même.
À six heures et demie je pars à la rencontre de mes amis. Ils ne tardent pas à arriver.
Nous rejoignons une route, une grand-route et une autoroute, qui s'élèvent plus ou moins en parallèle à l'assaut des monts cantabriques, illustrant trois moments de l'évolution des réseaux routiers.
Nous montons très régulièrement en suivant la vallée du río Valcarce.
L'asphalte domine largement, nous parcourons une vingtaine de kilomètres d'ennui et de déprime avec de
temps à autre un beau paysage.
Nous faisons une halte à Trabadelo et nous mangeons à Vega de Valcarce.
Nous passons sous la ruine du Castelo Sarracín qui domine Vega de Valcarce.
À partir de Ruitelán, le paysage devient plus montagneux et commence à me plaire. Cela me donne des ailes. Je marche d'un bon pas et je distance mes compagnons.
Quand je monte ainsi, en forçant le pas, je me sens plein d'énergie.
Peu importent le plaisir et la douleur, tout se fond dans la joie de l'effort. Les doloristes sont des gens passifs, je les imagine assis ou couché, fabulant sur leur douleur « rédemptrice ». Quand on réalise quelque chose, la douleur importe peu.
Ce que j'aime dans une montée, c'est qu'elle m'offre une résistance à laquelle je peux me mesurer. Les plats et les descentes me lassent, mais les montées me mettent au défi !
Peu après le torrent Lanias, le camino emprunte un chemin qui descend avant de monter raide. Selon mes notes, c'est une courte montée et je la prends au train. Mais elle se révèle plus longue que prévu.
Au lieu de m'arrêter ou de ralentir, je poursuis mon effort, car à chaque détour du chemin, je crois voir la fin de la côte. Quelques centaines de mètres avant la Faba, je « casse la machine », je ne tiens plus le rythme et je suis à bout de souffle.
J'arrive lentement à la hauteur du bar de la Faba.
J'y retrouve les trois mousquetaires, les frères Jaubard. Nous échangeons nos impressions.
Pierre arrive, puis André C. et un peu plus tard Geneviève. Nous faisons une courte halte pour
récupérer.
Quand Pierre repart, cela ne va plus. Je n'ai plus de rythme, mon souffle est court et j'avance lentement. J'ai beaucoup de peine à le suivre.
J'observe les monts cantabriques après la Faba.
Heureusement, Pierre marche lentement, regarde, prend des photos, ce qui me permet de plus ou moins m'accrocher à lui. À la Laguna, il visite le village, ce qui me permet de le rejoindre.
Ce n'est qu'entre la Laguna et le Cebreiro que le rythme et le souffle me reviennent.
Nous entrons en Galice.
À partir d'ici il y a en principe une borne tous les cinq cents mètres, mais le tracé du Camino a
subi des modifications et certaines bornes manquent.
Chaque fois que je lis une borne, j'ai du mal à croire que Santiago est si proche.
Je modère mon allure, car ma mauvaise expérience dans la montée vers la Faba m'a rendu prudent.
Pierre et moi arrivons ensemble au Cebreiro. Il est une heure et quart.
Je regarde le paysage vers le sud-ouest, plus ou moins dans la direction où nous irons.
André C., qui nous a suivis à distance, ne tarde pas à nous rejoindre. Nous prenons un verre en
attendant nos compagnons. Je suis assoiffé.
André et Paul arrivent bientôt.
Nous allons ensemble au gîte, qui est passablement sommaire.
J'achète des cartes postales. Ici c'est plus facile qu'à León et à Burgos ! Je les rédige et je les poste.
Nous visitons le village, qui sépare le Bierzo de la Galice.
La « palloza » est une maison au toit de chaume, un ancien habitat de la Galice.
Je regarde le paysage vers le nord-est, plus ou moins d'où nous sommes venus.
Nous décidons de nous lever tôt demain, ce qui m'enchante, car cela me permettra de voir le soleil se lever sur le Cebreiro.