Agen, 21 mai 2011
Je me réveille en rêvant que je tente de faire adopter la rengaine de Frank Alamo comme chant des pèlerins par les Amis-de-Saint-Jacques. Pas facile !
Robert et moi partons peu après cinq heures et demie à vitesse modérée, ce qui me convient quand une étape est longue.
Je commence mes étapes sans me presser, en me promenant. Cela peut durer de dix minutes à une heure. Et à un moment, mes jambes me font savoir qu'elles sont prêtes à marcher. Elles prennent alors un rythme de croisière qu'elles gardent jusqu'à la fin de l'étape peu importe la fatigue.
Beaucoup de pèlerins débutent l'étape rapidement, ils vont si vite que j'aurais bien du mal à les suivre. Puis ils ralentissent. Et ils sont parfois très lents en fin d'étape.
J'ai beaucoup de peine à ralentir Robert en début d'étape et je dois souvent l'attendre en fin d'étape.
Mon compagnon me dit que s'il veut marcher avec moi, c'est pour grimper plus vite. En effet, ma
vitesse varie peu, je monte presque aussi vite que je descends. Je lui dis qu'il vaut mieux qu'il
monte à son rythme, car s'il force, il risque de le payer à terme.
Mais il a sa théorie et il y tient. Je me contente de lui dire que je ne vais pas modifier mon rythme
de marche. Il me répond qu'il ne demande pas mieux.
Au Pech du Rat, dans la pénombre du petit matin, nous apercevons la statue stylisée d'un pèlerin.
Le jour se lève sur le lac des Baniérettes, près de Sainte-Colombe-de-Villeneuve.
Les effets de lumière sont saisissants.
Une légère brume joue avec le soleil levant et nimbe le lac et ses alentours d'une clarté féerique.
La sécheresse est partout. En tant que pèlerins, nous apprécions le manque de pluie, mais la nature souffre.
Partout, le sol est craquelé par Poséidon, le dieu des mers, qui avale l'humidité que la terre contient.
Cela peut faire sourire, mais les anciens Grecs y croyaient dur comme fer. Et en
bonne logique ils ajoutaient que c'était Poséidon qui provoquait les crevasses et les tremblements
de terre. Poséidon était à la fois le dieu des mers et celui des secousses telluriques !
Dans deux mille ans que dira-t-on des foutaises que nous nous racontons sur nos dieux ?
Nous nous arrêtons à l'église de Sembas pour manger.
Cette fois, la mairie de Lamontjoie répond à Robert. Il obtient une réservation.
La matinée est fraîche et nuageuse, mais à partir de dix heures, le soleil s'installe et la chaleur croît rapidement. La journée s'annonce très chaude.
Jusqu'à Doulougnac, le chemin est peu accidenté et nous progressons rapidement.
L'église de Doulougnac est un petit édifice roman qui semble fort ancien.
De Doulougnac à Agen, il y a cinq fortes montées et la chaleur est difficilement supportable.
Nous souffrons. Et Robert, qui a mal aux pieds, souffre plus que moi.
Nous arrivons à Agen à deux heures et demie.
Nous prenons un verre de bière et un sandwich au snack de la gare. Nous achetons de quoi manger. Robert se rend directement au gîte, qui se trouve assez loin, au sud de la ville.
Pour ma part, je vais acheter un petit Berlitz français espagnol, ce qui m'amène à pas mal circuler
en ville.
Aujourd'hui j'aurai beaucoup marché avec mon sac à dos, plus de quarante kilomètres, ma plus longue
étape depuis le départ.
Je rejoins Robert à quatre heures et demie. Le gîte ouvre à cinq heures.
Peu après cinq heures, je téléphone à la responsable. Elle arrive dix minutes plus tard et nous ouvre le gîte. Nous réglons tout.Demain Robert coupera au court vers Moirax, ce qui lui permettra de gagner une dizaine de kilomètres.
La responsable du gîte l'encourage à le faire, mais elle s'embrouille quand elle veut nous expliquer
le chemin.
Nous retenons qu'il faut longer la Garonne vers le sud et traverser le fleuve sur un pont à hauteur de
Beauregard. Moirax est un peu plus loin.
Nous sortons pour manger dans un snack. Nous ne trouvons rien, du moins dans des prix raisonnables. Finalement nous allons dans une boulangerie, nous achetons des salades au thon et nous regagnons le gîte pour les manger.