Bagneux-la-Fosse, 3 avril 2011
Cette nuit j'ai dormi une dizaine d'heures. Je déjeune à l'hôtel, il y a des pruneaux, c'est délicieux !
J'accède à la Tour de l'Horloge par une montée continue sans difficulté.
La Tour de l'Horloge faisait partie d'un château médiéval.
La pluie joue avec moi : quand je quitte le couvert, elle tombe à verse ; quand je passe sous les arbres, elle se calme.
Le GR fait des tours et des détours. Je dois d'abord trouver une chapelle perdue dans les bois, Notre-Dame-du-Chêne. Ensuite, à une fourche je dois prendre à droite, puis me diriger vers l'ouest et ne pas rater un vallon à gauche, qui descend vers le sud puis vers l'est.
Je repère aisément la « petite » chapelle en plein bois.
Celui qui a construit cela avait le sens de la démesure.
Tout autour de la chapelle, les machines ont creusé de grandes ornières dans la boue.
Je m'oriente sans problème et je descends bientôt le Val Verrière. Selon le guide, le chemin est boueux, raviné et souvent inondé. En fait il s'agit d'un thalweg dans lequel la roche affleure. Comme il fait très sec, il n'est pas inondé, peu boueux et pas glissant. Il est excellent.
J'arrive au bord de la Seine, bien plus vive ici qu'à Paris.
Pour éviter la boue, je vais sans cesse d'un côté à l'autre du chemin. Je glisse
plusieurs fois. Quand je marche sur le bord du chemin, je m'accroche aux épines des ronces, je me
griffe aux pointes des pruneliers et je passe dans de longues herbes. Pour ne pas tomber j'avance
lentement.
L'ironie, c'est que le seul bon chemin est celui que le guide décrit comme mauvais.
Peu avant Polisot, l'état du chemin s'améliore et je marche à mon rythme habituel.
Le pied droit fait à nouveau mal, surtout quand le sol est dur ou caillouteux.
Je me repose un instant à l'entrée du Val Gérard, un petit kilomètre avant la Maison Rouge.
Je repars, je passe devant la ferme de Boc en Fiel.
Je compte manger devant la ferme abandonnée de Sèche Fontaine. Ensuite je descendrai jusqu'à la Sarce
et j'arriverai à Avirey-Lingey, qui se trouve à environ quatre kilomètres du gîte.
Un chien menaçant sort de la ferme « abandonnée », son maître a du mal à le reprendre. La ferme est
restaurée et habitée. Je ne peux pas manger là en narguant le chien (et le maître).
Je poursuis ma route et je mange plus bas.
En entrant dans Avirey-Lingey, je ressens de la fatigue.
Dans le village je m'assieds près de la Sarce, un endroit agréable.
Je termine mon repas. Des gouttes de pluie l'interrompent. Comme je crains une averse, je pars tout de suite vers Bagneux-la-Fosse.
Sur la hauteur je prends congé d'Avirey-Lingey.
Le paysage, plus vallonné que ceux de la Champagne, me plaît davantage.
J'arrive à Bagneux-la-Fosse avec une heure d'avance.
Je vais dans un abri pour échapper à la pluie.
Je prépare l'étape de demain et je rédige mon carnet de bord.
J'ai froid, ma veste, mon pantalon et mes souliers sont mouillés et je voudrais les faire sécher.
J'ai dit que j'arriverais à quatre heures, mais comme je voudrais m'installer dans le gîte municipal
tout de suite, je téléphone à la responsable. Pour toute réponse, j'entends le bruit caractéristique
d'un fax. Je laisse un message à tout hasard.
Un peu plus tard, c'est à nouveau le fax. Je précise que je suis devant la mairie, mais je me doute que
rien ne passe.
À quatre heures un quart, c'est toujours le fax.
Je me dirige vers une maison pour demander à quelqu'un comment contacter madame Aubry, la responsable
du gîte.
Surprise ! Cette maison est le gîte d'étape ! En plus, il est ouvert ! Un petit mot m'avertit que la
responsable arrivera en retard et me dit de m'installer. Le gîte est propre, agréable et confortable.
Il y a beaucoup d'espace.
Madame Aubry arrive peu après et nous réglons tout, le paiement de ma nuit et le tampon sur la crédenciale.
Je mange puis je fais un tour dans le village. Tout va bien. Je prends un Dafalgan pour prévenir les douleurs dans le pied droit.
Je me plonge dans mes ruminations. Peut-être la question la plus importante, c'est de
voir clair sur ce que nous sommes en tant qu'êtres humains. Cela implique une méchanceté sans
concessions ni complaisance vis-à-vis de nous en tant qu'espèce.
La seule chance de faire progresser l'espèce humaine, c'est d'être parfaitement au clair par rapport à
son fonctionnement et de réussir à mettre à distance nos archaïsmes fonctionnels.
Pour cela il faut cesser de bourrer les cerveaux des enfants avec nos fadaises « humorales » comme les
idéologies, les religions et les superstitions, clarifier les fonctionnements à la limite du
pathologique et aider les idéalistes et les croyants à s'assumer.
Et surtout il faut que chacun de nous parvienne à relativiser les milliards de salades (petites histoires
que nous nous racontons parce qu'elles nous plaisent) qui nous encombrent le cerveau ! Nous ne sommes
ni tout ni rien.