Condom, 23 mai 2011
Je réduis le poids de mon sac.
Je laisse dans ma chambre la casquette que je viens d'acheter, un cahier inutilisé, du shampooing et
un gant de toilette. Ce matériel peut servir à d'autres pèlerins.
Je rédige un mot à l'intention de mon hôtesse pour lui expliquer la raison de ce délestage.
Je pars à cinq heures et demie.
J'ai l'intention de téléphoner à Robert pour savoir où il est et surtout où il en est. Je ne le vois
nulle part dans Lamontjoie.
Je lui téléphone peu après avoir quitté le village.
Il a logé en dehors du village, mais il ne sait pas me dire où. Il partira vers six heures et demie,
mais il progressera lentement.
Hier son hôte a remarqué qu'une de ses chaussures est cassée. C'est la cause de sa douleur au pied.
Il ne sait pas s'il ira jusqu'à Condom aujourd'hui, il s'arrêtera peut-être à la Romieu.
Je lui souhaite « bon chemin ».
Peu avant la Gleysasse une petite route mène à Calais.
Quand je disais à Gaby qu'il portait le drapeau du Pas-de-Calais, j'étais plus près de la vérité que je ne l'imaginais !
Sur la butte de Pouy-Roquelaure, je remplis ma bouteille à la fontaine, mais l'eau
est remplie de bulles d'air et de petits corps noirs. Je m'en méfie et j'en bois peu.
Je n'attends pas Robert dans le village, car il pourrait le contourner en passant en contrebas de la
butte.
Peu après Pouy-Roquelaure, une longue allée droite traverse le ruisseau de la Bourdette et mène à la vallée du Petit Auvignon.
Pour lutter contre la sécheresse, les agriculteurs arrosent leurs cultures.
J'arrive à la Romieu, la cité des chats et des pèlerins (« romieu » désigne un pèlerin).
J'entre par la porte nord.
La légende rapporte qu'une jeune fille, Angéline, a caché ses chats quand la famine poussait les habitants à tout manger, même les chats. Mais quand les rats sont arrivés, ce sont les chats d'Angéline qui ont sauvé la ville.
On voit le sommet des tours de la collégiale Saint-Pierre à partir de la place principale du village.
Je m'assieds à un bar et j'attends Robert. Je présume qu'il va bientôt arriver.
Je prends en photo un lointain descendant des chats d'Angéline.
Un pèlerin dit au restaurateur qu'il est parti d'Arles il y a un an et trois mois,
qu'il a fait beaucoup de tours et de détours (le chemin d'Arles, le Verdon, etc.) et qu'il va
aujourd'hui à Condom.
Il a fait quarante-cinq kilomètres hier et cent dix kilomètres en trois jours avec son sac de vingt
kilos.
Il ajoute qu'il marche suite à un grave accident qui a failli lui coûter la vie.
J'ai envie de lui parler. Mais il ne voit pas mes signes et il continue sa route.
Peu après je rencontre un autre pèlerin, qui me dit qu'il va jusqu'à Compostelle.
J'ai retrouvé l'autoroute des pèlerins, que j'avais quittée à Figeac.
Ce buste représente Angéline, la protectrice des chats.
Il paraît qu'en grandissant, elle est devenue de plus en plus semblable à un chat.
Un petit chat curieux se cache derrière le panneau de la place E. Bouet.
Je reste assis une petite heure, mais je ne vois toujours pas Robert.
À dix heures il fait déjà chaud.
J'achète de quoi manger, je remplis d'eau ma bouteille et je reprends la route.
Un chat me regarde d'en haut.
Je fais une petite halte à Castelnau-sur-l'Auvignon.
J'arrive à une variante de la via Podiensis, qui évite la Romieu.
À partir de là je rencontre beaucoup de pèlerins, un peu dans tous les genres, avec ou sans sac,
au long cours ou non.
Il y a notamment quatre personnes des Amis-de-Saint-Jacques de Bretagne qui font le Puy-en-Velay –
Roncevaux.
L'étiage du lac de Bousquetara est particulièrement bas.
J'arrive à Condom plus vite que je ne m'y attendais.
Je traverse le pont sur la Baïse, il est à peine une heure.
La distance entre la Romieu et Condom indiquée dans le miam-miam dodo me semble surestimée.
Le gîte de Gabarre est à la Bourdette, avenue des Mousquetaires, un petit kilomètre après le centre de Condom. Je m'installe.
Et je retrouve les trois mousquetaires, les frères Jaubard. L'adresse du site aurait dû me mettre la puce à l'oreille.
Je suis étonné de les revoir. Je croyais avoir trois jours de retard sur eux suite à mon détour par Rocamadour. Ils me disent qu'ils progressent par petites étapes, car pour eux, être ensemble importe au moins autant que marcher.
Vers trois heures je téléphone à Robert.
Il a retrouvé Patrick, l'ancien gendarme, à la Romieu. Ils arrivent au camping où ils vont loger, non
loin du gîte de Gabarre.
Il va acheter de nouvelles chaussures au Carrefour et il fera ensuite des courtes étapes pour y habituer
ses pieds.
À six heures et demie, nos hôtes nous apportent notre repas.
Il s'agit de confit de canard, une spécialité du Gers. Ils tiennent à nous la faire goûter, et c'est vrai
que c'est très bon. Nous les remercions.
Je vais dormir tôt, car le sommeil est le meilleur ami du pèlerin.