De l'aube à l'aurore - L'ermite et le pèlerin - Saugues (2 mai 2011)

Un monde à refaire

Cabo Fisterra

Saugues, 2 mai 2011

Aujourd'hui je vais traverser les gorges de l'Allier, ce qui me garantit de beaux paysages. Je pars avec enthousiasme.

La vallée de l'Allier

À partir de Saint-Privat, la vue vers le sud, en direction de l'Allier, est superbe.

On devine la départementale 301 sur le flanc boisé de la vallée.

Tout est paysage ici, tout est vallonné et boisé, une région de hauts et de bas comme je les aime.

La montée vers Rochegude est longue et dure. Je pense à mon compagnon suisse qui l'a faite hier après-midi en dépit de sa fatigue !

La chapelle et la tour de Rochegude Des pèlerins vont à la chapelle de Rochegude.

Pour ma part je suis saturé de symboles religieux, je m'intéresse plus à la nature, qui est splendide ici.

La descente est raide, elle serpente entre pierres et rochers, roches et cailloux, cailloutis et graviers, gravillons et pierrailles. Les mots ne manquent pas, pèlerin, pour décrire ton camino dans la caillasse !

Cela dit, la descente m'amuse et je la dévale d'un bon pas.
Je jouis de ma maîtrise. J'ai subi un solide entraînement dans les descentes du Morvan, de la montagne bourbonnaise, des monts du Forez et des gorges de la Loire.

Monistrol-d'Allier Et voici l'Allier ! La vue sur les gorges et Monistrol m'emplit de joie.

C'est là ma chapelle, amis pèlerins ! Elle est plénitude et saveur profonde du monde, du seul monde qui existe.

Amis, soyez fidèles à la terre, embrassez-la de la vue et de l'ouïe, respirez-la, elle est toute notre joie !

Je traverse Monistrol d'un pas léger, aérien, j'ai l'impression de voler, une euphorie légère me gagne.

L'Ance du Sud L'Ance du Sud court dans un écrin de verdure, elle vient de franchir les orgues basaltiques de Monistrol et va rejoindre la grande rivière qui a sculpté les gorges.

La montée vers Montaure est la principale difficulté du jour. Elle est sérieuse mais régulière, avec des passages bitumés et des petits sentiers.

Jamais de ma vie de marcheur je n'ai grimpé aussi bien, j'ai l'impression de « léviter », de monter sans effort. Chaque pente est une joie !

Roches d'origine volcanique De hautes roches d'origine volcanique bordent la route après la chapelle troglodytique de la Madeleine.

Toute la région est marquée par le volcanisme.

Monistrol-d'Allier Et j'adresse un salut d'adieu à Monistrol, vu à partir d'Escluzels.

Adieu ! Le chemin m'appelle, déjà je pense à Montaure.

Ainsi va la vie du pèlerin, qui se gonfle de joie à la vue des beaux paysages... et leur tourne le dos l'instant suivant pour en découvrir d'autres.

Maison en ruine à Montaure Une maison en ruine m'accueille à Montaure.

Les ruines me fascinent, elles sont à l'image de notre société plongée dans la nuit des idéologies de la faute et du péché et du culte de l'argent, une société à rebâtir de fond en comble.
Pense, ami, pense à l'aurore qui vient, imprègne-toi de l'espoir de cette aurore nouvelle !

Un chemin facile me mène à Saugues.
Ici les chemins sont plus faciles que sur la voie de Vézelay au Puy-en-Velay, mais il y a aussi plus de bitume.

Saugues

J'arrive à Saugues, une ville jumelée au village condrusien de Modave, limitrophe du mien.

Saugues, le bureau de poste À l'entrée de Saugues, je salue le bureau de poste.

Il a la réputation de recevoir le trop-plein des sacs à dos des pèlerins partis du Puy-en-Velay.

Il est une heure. Cela me permet de faire des achats : recharger mon portable, me procurer des aliments et du pain ainsi qu'une casquette avec protège-nuque. Le magasin de sport a ce qu'il me faut.

Je réserve des hébergements à Espalion et à Golinhac. Le gîte de Conques a son ordinateur en panne, je réserverai plus tard.

Quand je reviens au gîte, le responsable est là. Je lui paie mon hébergement et il estampille ma crédenciale. Je fais un peu de lessive, une tâche routinière pour un pèlerin.

Je parviens à réserver pour Conques, car l'ordinateur a fait un effort.

Je n'ai jamais réservé aussi longtemps à l'avance, mais les gîtes sont pris d'assaut. C'est la preuve que nous sommes partis nombreux du Puy-en-Velay.
Il y a aussi des organisations qui réservent pour des groupes. Il vaut mieux avoir une semaine d'avance.
Certains de mes compagnons pèlerins, plus insouciants, ont du mal à trouver et sollicitent les curés qui, lorsqu'il y en a, ont bien autre chose à faire qu'à leur trouver un logement.

Je me repose entre cinq et six heures de l'après-midi.
Je dors moins la nuit depuis que nous sommes nombreux et pour compenser, je me repose l'après-midi.

Je vais boire un bol de thé dans la salle commune avec mes compagnons de route.
Parmi eux, il y a les frères Jaubard, trois pèlerins sympathiques qui marchent ensemble et qu'on appelle les « trois mousquetaires ». Ils n'ont pas leur égal pour mettre de l'ambiance et de l'entrain.
Nous parlons de tout et de rien, de l'Europe et du monde, des crises financières et comme toujours, des chômeurs et des étrangers qui prennent le travail des Français.

Les gens ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Alors je parle de plus haut, je parle des O.Q.P. (les « occupés », c'est-à-dire les « Obsédés des Quinze Pourcents », allusion au return on investment – R.O.I. – « normal » selon Warren Buffet, le roi des occupés).
Ben quoi, si on ne peut même plus rire des grands délirants qui cherchent à pomper tout l'argent des États, des entreprises et des gens !

Pense, ami, pense à l'aurore qui vient, baigne-toi dans l'espoir de cette aurore nouvelle !