Haillot, 13 mars 2011
Cabo Fisterra, le cap du bout de la terre, perché sur le dernier rocher du continent ! J'en approche déjà, je foule son sol et cette sensation accroît mon courage pour aller au terme de mon pèlerinage. Ultreïa !
Un jour je serai là, à la limite occidentale du monde, là où le soleil de nos anciens rêves et de nos anciens mythes se prépare à disparaître dans les flots. Et la tristesse de ce deuil cédera devant la joie de l'aurore nouvelle. Car demain verra la naissance d'un nouveau soleil. Il jettera sa lumière jusqu'au fond de nos ornières boueuses et nous conviera à d'autres aventures.
Comment le primate bavard s'y est-il pris pour devenir le cancer de sa
planète ? Pouvons-nous croire en l'être humain ? Un être humain que nous avons tant
sacralisé ! Et comment pourrions-nous dénuder ce singe nu sans nous faire traiter de
blasphémateurs ?
Depuis trop longtemps nous avons perdu la sagesse gravée sur le fronton du temple d'Apollon
à Delphes, le nombril du monde : « Connais-toi toi-même, laisse le monde aux dieux ! »
Sache que tu es mortel, faible et limité et que les lois éternelles du monde ne
t'appartiennent pas !
Selon Démocrite, l'être humain est ce que nous connaissons tous. Il est aussi celui dont nous
ignorons presque tout. Évoquer la nature humaine provoque l'horreur sacrée chez les savants
et l'affabulation débridée chez la plupart. Et pourtant n'y a-t-il pas des traits spécifiquement
humains, qui révéleraient nos déficiences ?
Mais ceci est pour demain. Aujourd'hui le vent du départ souffle dans mon gréement. Je lèverai
l'ancre le lundi quatorze mars 2011 à dix heures. Je quitterai le port. Je serai pérégrin, libre
et étranger, et avide de perdre mon vieux latin rance et moisi !
Je prendrai la route de l’exil, de tout exil ; je deviendrai le renégat de toute cause, je me
purifierai au feu de pure errance. Je n'aurai plus de parents, plus de frontières, plus de
morale, plus de talus ; je n’aurai que le ciel et la terre, aussi vastes que l'océan, s’étendant
à l’infini.
Car aujourd'hui j'ai besoin de sang et de vie, et d’une musique qui fasse mal à force d’être vraie ;
car aujourd'hui j'ai conscience que tout exil engendre et que tout arrêt croupit. Amis, je vous
invite, vous aussi, à prendre la route, à m'accompagner sur vos chemins.
Marchez ! Ne cherchez pas « la » voie, tracez plutôt humblement la vôtre en marchant ! Prenez le vent,
claquez comme des voiles, délestez-vous de vos pesanteurs, soyez libres et légers, soyez danseurs !
C'est tout le bonheur que je nous souhaite.