Reims, 23 mars 2011
J'ai dormi douze heures d'affilée et je pourrais dormir encore, ce qui confirme mon état de fatigue,
probablement dû à la longue étape d'avant-hier.
Ma chambre est vaste, ce qui me permet de bien ranger mon sac à dos. Depuis mon départ, à chaque étape
j'améliore mon rangement. À présent chaque objet a une place bien déterminée.
J'ai attrapé un coup de soleil sur le nez. Au mois de mars ! Je mets de la crème Nivea. C'est ici, en
Champagne, en mars que j'ai besoin de crème solaire alors que je comptais en acheter en mai dans le
Midi.
Peu avant Pignicourt, j'observe le mécanisme qui permet aux bateliers d'actionner les écluses et à l'État de mettre les éclusiers au chômage.
Il faudra qu'un jour un économiste mette en vis-à-vis les inventions qui suppriment des emplois et celles qui en créent dans un double mouvement qui doit paraître absurde vu de la planète Mars.
À la Garenne du Charron, entre Pignicourt et Orainville, trois lièvres s'encourent en me voyant arriver. D'accord, on les voit mal sur la photo !
C'est la Champagne des routes rectilignes et de l'horizon plat. L'allée asphaltée conduit à Berméricourt. Je marche d'un bon pas, je bouffe des kilomètres sans avoir l'impression d'avancer, c'est frustrant.
Un masque m'accueille le long du canal de la Marne à l'Aisne. Voilà qui est plus sympathique qu'une balise. Mais si nous devions baliser de cette manière, cela nous prendrait beaucoup de temps.
À la Neuvillette, je me dirige vers le centre de Reims. Après une longue traversée sur l'avenue Nationale qui devient l'avenue de Laon, j'arrive à la spectaculaire Porte de Mars, qui témoigne de l'ancienneté de la ville des plus fidèles alliés de César.
Je suis fatigué, j'ai un début de sinusite et j'ai hâte d'arriver au gîte. Mais avant tout je veux acheter un GSM pour faciliter mes réservations. Entre Rocroi et Reims, je n'ai pas trouvé un seul magasin qui vende des GSM.
Je me dirige au jugé vers la cathédrale Notre-Dame, où se trouve l'accueil des pèlerins organisé par les Amis de Saint-Jacques.
Peu avant la place du Cardinal Luçon (la place de la cathédrale), je vois un magasin qui vend des GSM.
Les murs en sont couverts. Ce qu'il me faut, c'est un appareil simple et pratique.
Je dis à la vendeuse que je voudrais acheter un GSM. Elle me répond : « Monsieur, nous ne vendons pas cet
article. » – « Mais il y en a plein ici, regardez ! » – « Ah, vous voulez dire un portable. »
Ah oui, bon, un « portable ». Je n'ai pas envie de jouer à qui parle le mieux français. Et j'ai bientôt
mon portable.
À la cathédrale de Reims, je rencontre une dame des Amis-de-Saint-Jacques. Elle rentre de pèlerinage
et n'est pas encore au courant de tout. Je fais estampiller ma crédenciale et j'achète le guide du
chemin qui coupe au court vers Vézelay.
Je ne suis pas encore décidé à suivre fidèlement le GR 654, je pourrais aussi accompagner mes compagnons
hollandais et couper au court comme eux. Et puis, ce guide contient peut-être des informations utiles
et surtout récentes pour celui qui suit le GR 654.
En sortant de la cathédrale, je rencontre Adriana et Gerhardt. Ils ont l'air en pleine forme, bien que
Gerhardt boitille un peu, mais moins qu'il y a deux jours.
Par contre il n'y a pas trace de notre jeune compagnon de Château-Porcien. Ils me disent qu'ils l'ont
quitté là-bas et qu'ils ne l'ont plus revu.
En fait, ils ont vécu une nouvelle odyssée, car ils n'ont pas trouvé de logement à Bazancourt et ils
sont allés à Reims le jour même. Ils sont arrivés épuisés et ils ont pris un jour de repos. Ils en
sont très contents, car cela leur a permis de visiter la ville.
Je comprends mieux qu'ils soient aussi fringants. Je décide d'aller au même gîte qu'eux, la Maison
Saint-Sixte, pour pouvoir échanger nos expériences. Gerhardt va au Spar, sa femme l'attend et je
vais au gîte.
En prenant ma douche je trempe mes dernières chaussettes propres. J'ai les pieds glacés toute la
soirée. Il n'y a pas de lave-linge. J'improvise une lessive minimale rudimentaire.
Je réserve à Verzy et à Condé-sur-Marne. Je suis enrhumé et je saigne du nez. Je continuerai mes
réservations demain.
Je ne parviens pas à arrêter mon saignement de nez. Tout en haut de la narine gauche, j'ai un petit
vaisseau sanguin qui cède facilement.
Je dîne en ville. Je commande une pizza quatre fromages. Le restaurateur emploie des fromages français
cuits et fondus. C'est une pizza comme je n'en ai jamais vu. Mais j'ai faim et cela me fait un bon
repas. Du moins c'est le point de vue du pèlerin affamé.
Comme je quitte le restaurant, mon saignement de nez reprend. Avec ma sinusite et mon coup de soleil, on
ne peut pas dire que je manque de nez !
À peine me suis-je couché que cela saigne de nouveau.
Le chauffage s'arrête à dix heures sept avec un terrible bruit d'eau dans les tuyauteries. Ils ne le
remettront en route qu'à six heures du matin. J'ai froid et je me sens mal. J'espère que je ne vais
pas tomber malade.
Jusqu'à minuit je tente de calmer ma sinusite et de réduire mes saignements de nez. Je tente aussi de
faire sécher ma lessive, ce qui n'est guère aisé en l'absence de chauffage. Rien ne va plus.
Aux alentours de minuit, je m'endors lourdement.
Je me réveille à trois heures quarante. Sinusite, saignement de nez et appareil respiratoire forment un
mélange très désagréable.
Je me rendors quand même et je m'éveille à quatre heures et demie.