De l'aube à l'aurore - Goutte de sang - Marcher (1)

Un monde à refaire

Oradour
Goutte de sang

Marcher (1/4)

Je dévore le morceau de pain et je bois au cruchon. La vie renaît. Je ne suis pas le seul ni le premier à subir des épreuves de ce genre, mais ce qui fait toute la différence, c’est que c’est moi qui les subis.
J’accepte même de mourir, mais ce que je refuse, ce sont les sévices incessants, la mort lente. Ce que je pressens, c'est qu'une fois le corps mort, la pensée s’en va et avec elle, l’âme, l’esprit et tout le bataclan dont l’être humain est si fier.
La seule chose qu'il nous arrive, c'est que nous nous endormons pour toujours !

Ce que je veux, c'est aller jusqu’au bout de ma réflexion avec une probité irréprochable. Tout pas vers la compréhension du monde vaut la peine d’être fait !
Et Vous, Seigneur, Vous qui êtes omniscient, pourriez-Vous me prêter un peu de Votre science pour que mes yeux se dessillent ? Que m’importe que Vous prétendiez partager ma souffrance si Vous admettez ne pas pouvoir m’aider au nom de la Liberté humaine « sur-divinisée » !
Dieu Tout-puissant, esclave de la Liberté humaine, étrange argument pour excuser l’apparente absence de Dieu ! La belle arnaque, oui ! Dieu ne peut rien contre le libre arbitre humain, mais Il peut damner le pécheur ! Même un crétin ne pourrait pas avaler une telle fadaise !
À quel niveau de bêtise la religion nous réduit-elle ! L'être humain est intelligent, oui sans doute, sauf quand il croit !

Et que m’importe un Royaume de Dieu qui ne viendrait jamais sur terre !
Christelle a raison. Tout ce que la religion fait, c'est nous mettre à la masse. Elle nous invite à postposer nos désirs dans un futur imaginaire. Et Pierre a raison aussi quand il dit que le Grand soir est le Jugement dernier des communistes.
Non seulement la religion nous met à la masse, mais elle nous impose des règles morales tellement strictes que nous sommes forcément pécheurs. Nous devons sans cesse nous repentir et nous perfectionner.
Mais en fait, les croyants, même s'ils admettent qu'il pèchent souvent, établissent secrètement la liste de ceux qui pèchent plus qu'eux. Et là aussi, Pierre a raison de dire qu'il en va de même pour les marxistes et leur culte de l'orthodoxie.
En fait, toutes ces idéologies racontent des fables différentes, mais elles se servent des êtres humains de la même façon. Tous se disent plus ou moins pécheurs et tous se croient plus ou moins martyrs.
Et bien avant cet hypothétique Jugement dernier ou Grand soir, le croyant si éthique sera mort. Et je pourrais dire le croyant « si étique » parce qu'il aura renoncé à vivre, à agir et à réaliser ses rêves et ses passions !

Et pour fidéliser ce croyant rabougri, pour le convaincre de défendre la citadelle commune, la religion se prétend assiégée par une foule d'ennemis, les communistes par les laquais du Grand capital et les chrétiens par les athées et les anticléricaux.
Que de souffrances ! Que de vies gâchées ! Êtres humains encore vivants, fuyez les religions ! Elles ont pour fin de vous tuer parce que les prêtres vivent de la crainte des vivants et font l'éloge des morts.
Il y a trop de prêtres, de gourous, d'idéologues et simplement de « ils » de par le monde. Tous ces « ils » n'étaient que des embryons il y a quelques décennies et bientôt ne seront que des cadavres.
D'où vient leur prétention à désigner le bien et le mal, le vrai et le faux, le juste et l'injuste ? Quelle maladie les ronge à vouloir imposer leurs vérités et à condamner ceux qui ne pensent pas comme eux ?
C'est de ces « ils » que je dois me libérer. Je dois fuir ces malades avant qu'ils me contaminent. Je dois prendre la voie de l'« ex-il », celle de la lumière et de la clarté !

Ce n'est pas le verbe qui s'est fait chair, c'est la chair qui s'est fait verbe. Et depuis, cette chair, elle ne cesse plus de parler. Nous sommes tous des locuteurs à foison, à commencer par les écrivains.
Nous inventons des dieux à la pelle, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton. Et quand ils ne nous plaisent plus, nous les abandonnons pour d'autres. Voilà pourquoi les dieux sont si fragiles !
D'ailleurs, traiter Dieu de tous les noms ne semble guère Le déranger. En tout cas, je ne connais personne qui s'en soit senti mal. Christelle avait beau blasphémer, elle ne s'en portait pas plus mal !
Puisque Dieu n'en a rien à foutre qu'on s'occupe de Lui, pourquoi ne pas simplement L'ignorer ? On en aurait fini avec les ayatollahs, les censeurs, les papes, les curés et les crétins vaniteux qui prétendent s'exprimer en Son Nom sanctifié !
On en aurait fini avec les guerres de religion, les inquisitions et les actes de foi que les Portugais appellent autodafés. Ne serait-ce pas plus sage et plus sensé ?

Excusez-moi de parler ainsi, Seigneur, mais il est à présent certain que je ne peux pas attendre plus d'aide de Votre part que du premier grain de poussière venu. Et si vraiment Vous êtes Tout-puissant, c'est que Vous Vous foutez de ma souffrance.
Tant qu'à souffrir, je préfère ne compter que sur moi-même. Ainsi ma souffrance sera mienne et non Vôtre. Je refuse de donner au tortionnaire même s’il s’appelle Dieu. Je ne veux pas d’un Dieu bourreau aujourd’hui et consolateur demain.
Je veux rester droit et loyal. Je préfère mon infâme misère à Votre infinie grandeur. Un jour, les victimes, les innocents, les faibles, les tout-petits, non pas les dieux crucifiés mais les enfants sacrifiés l’emporteront sur Vous, ils Vous vaincront !
Je suis du côté des petits, Vous êtes du côté des Puissants. Je suis avec eux contre Vous ! Je ne pourrais croire qu’en un Dieu aussi faible qu’une brise d'été. Mais si Vous êtes une brise légère, personne, à part Élie, ne vous prendra pour Dieu !

Toi, le Dieu chrétien, Toi dont les fidèles ont inventé les pires armes contre les tyrans, crains que Tes fidèles ne les utilisent contre Toi ! Que les martyrs de Ta foi hurlent l’immensité de Ta méchanceté et la grandeur de leur bonté envers Toi !
Je ne veux pas d'un salut à terme qui ressemble à une promesse de politicien, je préfère l’enfer car là au moins je peux secourir des malheureux. Car je présume qu’il y a aussi des enfants dans Ton enfer, Dieu ?
Face à Vous, Seigneur, je suis avec les êtres humains et donc contre Vous. Oui, Seigneur, je me révolte. Damnez-moi ! Crucifiez-moi ! Vous avez été crucifié par les hommes. Moi aussi j’ai souffert des hommes. Faites-moi souffrir les pires tourments ! Ce sera ma gloire !
Je Vous mets au défi. Faites-moi souffrir éternellement ! C’est Votre droit, Votre force, Votre justice. Profitez de Votre petite créature, Seigneur, faites-la mourir de peur et de désespoir, Cravate ne fait pas mieux !

Je Vous jure, Seigneur, qu’un jour viendra, où on ne torturera plus les enfants, ni les adultes, ni rien sur terre. Vous ne pourrez pas, éternellement empêcher l'avènement de ce jour.
Et Vos suppôts, les grandes idées, les grandes religions, les passages obligés en tous genres n’auront plus de gibier à chasser ; car les êtres humains se libéreront de plus en plus de ces tyrannies.
Soyez maudits, racisme, fascisme, communisme, christianisme, capitalisme, humanisme et les mille et une autres tyrannies qui vous ressemblent et nous asservissent !
Chassons très loin derrière nous cette longue plainte ! N’ayons plus de héros, plus de martyrs, seulement de pauvres êtres abusés par des luttes partisanes !
Nos sectarismes sont les fruits de notre stupidité. Pour être d’un parti, il ne faut pas être très malin. Pour être sectaire, il faut être complètement borné.