Dax, 3 juillet 2011
À trois heures du matin, je reprends mon travail épistolaire ; à quatre heures et demie, la fatigue me contraint à arrêter. Je reprends le travail à cinq heures et à six heures et quart. Je termine mon courrier. Enfin !
Je me repose un peu, mais je me lève à sept heures cinq, car je crains de m'endormir et de manquer le train.
Je range mon sac à dos, je le laisse dans la chambre et je poste mon courrier à la boîte postale qui se trouve près de la trattoria.
À sept heures et demie, je déjeune. Si tôt matin je suis le seul client. Il s'agit d'un buffet bien
fourni, avec de la nourriture de qualité. Cela me perturbe un peu après mes quatre mois de pèlerinage.
Cela dit, avec le repas d'hier, je suis pleinement rassasié pour le voyage.
Je paie mon séjour et je ne fais pas tamponner ma crédenciale, preuve que je ne suis pas tout à fait endormi !
Je sors de l'hôtel à huit heures et quart. Je vais à la gare tout à mon aise, car après ma longue étape d'hier, mon voyage en bus et ma nuit quasi blanche, je suis tout sauf très éveillé. J'arrive à la gare une heure à l'avance.
À Ourense, je quitte le train et je monte dans une voiture qui est accrochée à un autre train.
Le voyage est très lent entre Santiago et León.
Peu avant Burgos, je vais dans la voiture-restaurant et je prends un « bocadillo con queso » et un « vaso de cerveza ». Bientôt je ne parlerai plus espagnol et je le regrette, car c'est une langue que j'aime bien.
Je change de voiture à Miranda de Ebro (et son camp de concentration de sinistre mémoire ! ) ; là je me déplace à l'intérieur du train.
La troisième partie du voyage, je la passe avec un pèlerin français de la région de Laon, qui a marché du Puy-en-Velay à Fisterra.
Il se plaint des longs arrêts en gare, de cinq à dix minutes. Il me dit qu'on ne verrait pas cela sur le réseau français.
En dépit de ces arrêts, nous arrivons à l'heure à Hendaye. Je prends un coca et deux Mars tandis que mon compagnon va acheter un billet pour Paris.
Je rumine à propos de la vérité.
La vérité, c'est le message qu'on tente de faire passer. Dans notre monde, par exemple, on tente de faire croire aux gens qu'il faut se sacrifier à l'enrichissement des investisseurs et que l'éthique sauvera le monde.
Mais n'y a-t-il pas moyen de vivre mieux en dépensant moins ? Faire le camino est un exemple parmi d'autres : pas de voiture, pas d'essence, pas d'assurance sinon celle de rencontrer des gens intéressants.
Cela se complique pour le train de nuit vers Paris.
Comme il n'y a pas de prise dans les couchettes, je ne peux pas employer mon appareil respiratoire.
Je demande à utiliser la prise des toilettes avec mon domino, mais les gardes du train s'y opposent.
En fait, ils me traitent plutôt comme un emmerdeur avec cette « bête » question d'appareil respiratoire et ils me mettent sur le côté pour s'occuper des Asiatiques qui me suivent dans la file et veulent des places assises.
Si je ne peux pas employer mon appareil respiratoire, je préfère ne pas aller sur une couchette. Si
je m'endors, j'aurai des apnées, cela réveillera tout le monde et ce ne sera pas très bon pour ma
santé.
Et avec la fatigue accumulée, j'ai toutes les chances de m'endormir !
Je leur demande de changer ma couchette en place assise. Ils me disent que la dernière place assise
vient justement d'être prise par un Asiatique et que je dois donc aller dans les couchettes.
Visiblement ils me cherchent, mais je suis trop fatigué pour me fâcher.
Je découvre que ce ne sont pas les Castillans les champions du manque d'amabilité dans les services !
Puisque c'est ainsi, je leur demande de supprimer ma réservation, je prendrai un autre train. Je passerai la nuit dans un hôtel, ce qui me permettra de me reposer.
Mais le monsieur qui se trouve derrière moi dans la file, intervient et dit que cela tombe bien, car il souhaite justement échanger une place assise contre une couchette. Les gardes nous renvoient en disant que nous n'avons qu'à nous arranger entre nous.
Je propose d'échanger nos billets, mais les gardes l'entendent, ils viennent sur nous et refusent que nous le fassions. Ils nous prennent nos billets et ils se mettent à les raturer pour changer la couchette en place assise et réciproquement. Comme ils se trompent, ils doivent s'y reprendre à deux fois.
Je sors avec un billet qui ressemble à un griffonnage d'écolier tant il est raturé, mais j'ai une place assise.
Le hasard veut que le pèlerin français de Laon soit assis juste devant moi, sur ma droite. Il reste des places assises libres dans la voiture, mais cela, je m'en doutais un peu !
J'aborde ainsi une longue nuit d'Hendaye à Paris pendant laquelle je lutte contre le sommeil. Plusieurs passagers sont nerveux et ont du mal à dormir, ce qui m'aide à rester éveillé.
Le train arrive à Dax, où il reste à quai pendant une heure.
Mon compagnon français ne commente plus la durée des arrêts en gare. Il faut dire que jamais on ne s'est arrêté aussi longtemps dans une gare espagnole.
Un long train arrive enfin et nos voitures y sont ajoutées.