Chablis, 6 avril 2011
Pour quitter Tonnerre, je passe à nouveau devant la Fosse Dionne.
Cette source appartient à un vaste réseau souterrain, ce qui lui permet d'avoir une eau de qualité avec un débit très stable. Son nom dériverait de Divona, une divinité celte.
À la sortie de Tonnerre, je grimpe une forte et longue côte sans difficulté.
Comme je ne parviens toujours pas à toucher le gîte paroissial de Chablis, je décide de téléphoner à l'Office du Tourisme. Un répondeur m'apprend qu'il ouvre à dix heures.
En descendant le vallon Cocquard, je passe devant un grand élevage de sangliers. Ils sont nombreux, des dizaines, et de tous les âges.
Sur la ligne de Paris à Lyon, les TGV passent sans cesse. Je les entends pendant des kilomètres, bien avant Tissey et bien après Collan.
À dix heures un quart, le répondeur de l'Office du Tourisme me demande mon numéro de portable et me
dit qu'il me téléphonera dès que possible.
À onze heures vingt, il ne l'a toujours pas fait et je ne suis qu'à cinq kilomètres de Chablis.
Je marche d'un pas de gladiateur. Mes jambes sont en forme, elles en veulent, je dois bien les suivre ! C'est peut-être cela, « écouter son corps ». Je fais six kilomètres par heure en moyenne, je marche bien mieux qu'il y a trois semaines.
Je reçois bon accueil à l'Office du Tourisme. Ils étaient absents ce matin.
Pour le gîte paroissial, je n'ai pas un bon numéro ; voilà pourquoi il ne répondait pas. On m'explique
où se trouve la maison paroissiale.
Je peux enfin signaler à l'hôtel que je ne viendrai pas.
Je vais à la maison paroissiale et je m'installe. On me dit qu'il est hors de question de chauffer,
car le chauffage électrique est hors de prix.
C'est décidément une manie en France. Je mets cette obsession en rapport avec l'intention d'EDF
d'augmenter ses prix de trente pour cent.
Je ne parviens pas à sécher mes vêtements imbibés de transpiration.
J'ai perdu une carte. La perte de la carte est sans importance, car le trajet, je l'ai parcouru,
mais la perte de la pochette en plastique qui la contenait me préoccupe. Je n'en ai que cinq,
elles ont un format A5 et je ne peux en trouver que dans des magasins spécialisés.
Je reviens sur mes pas dans l'espoir de la trouver. Je l'avais en main dans la descente à travers les
vignes, au Pied d'Aloue. Ce n'est pas loin.
Bonheur ! Avant même d'arriver au camping « le Serein », je la retrouve.
Jusqu'à présent je n'ai rien perdu, mais j'ai souvent été à deux doigts de perdre quelque chose. Mon
stylo à bille est le plus concerné.
Je peux cuisiner dans le gîte. Il y a une cuisinière à gaz, mais pas d'allumettes. Il y a aussi un four à micro-ondes. Les couverts sont zingués, l'alu de la vaisselle est fortement buriné, il n'y a pas de savon de vaisselle, ni de brosse, ni d'essuie-vaisselle. Donc cela devrait aller.
Je vais au magasin d'alimentation local, dont les prix sont environ le double de ceux de l'Auchan de
Tonnerre. J'achète largement, car j'ai faim. Cela revient presque au prix d'un restaurant.
Par contre, au bar-tabac, on m'offre une petite pochette d'allumettes.
Je reviens, je mange mes Mars, je bois mon coca et je me décide à faire bouillir de l'eau. J'ouvre
la bombonne de gaz.
C'est alors que je découvre que les allumettes sont du type
« cassent-tout-de-suite-si-jamais-on-a-l'audace-de-vouloir-les-frotter », un produit courant dans
la France d'il y a un demi-siècle. Cela me fait un petit moment de nostalgie.
Il faut être sacrément adroit pour en allumer une et je suis très fier d'y parvenir.
Le petit gaz ne s'allume pas, il ne doit pas rester grand-chose dans la bombonne. Le grand gaz, lui, s'allume, et il vaut mieux ne pas le baisser, car il risque de s'éteindre.
La casserole, pas trop propre, laisse surnager un peu de tout sur l'eau en ébullition. Bref, je parviens à me faire une chicorée soluble que je bois en fermant les yeux et sans trop penser aux machins en suspension.
Cela marche si bien que je décide d'utiliser la même casserole pour faire mon potage aux poireaux.
Il faut découper la boîte. Dans un tiroir je trouve une paire de ciseaux étonnamment brune. En fait elle
est rouillée d'un bout à l'autre. Je découpe la boîte avec mon canif suisse.
Je verse le demi-litre de potage dans la casserole et je le chauffe à feu vif en tournant pour éviter que
cela attache, car je n'ose pas réduire le gaz de crainte qu'il coupe.
Cela marche du tonnerre. Je bois un excellent potage.
Il ne me reste plus que mes lasagnes à faire cuire au four à micro-ondes et ce repas sera un régal.
Je crois que je vais obtenir mes galons de chef-coq.
Je pique les trous traditionnels dans le plastique qui recouvre le plat. Je mets le plateau du four à
micro-ondes à sa place. Je mets la prise de courant, je positionne la minuterie, rien ne se passe.
C'est alors que je constate que le bouton de la minuterie tourne fou. Il est hors d'usage.
Comme le four à micro-ondes ne fonctionne pas, il ne me reste que le réchaud à gaz et ma casserole « à
tout faire ». Cuire une lasagne à feu vif est passablement incertain. Je le réussis plus ou moins mal.
Quel repas de roi ! J'ai tellement bien mangé que j'ai des lourdeurs d'estomac.
Comme promis, mon hôtesse vient le soir, peu après sept heures et demie.
Elle hésite à tamponner ma crédenciale, car elle trouve que le cachet de la paroisse n'est pas très beau.
Cela me surprend un peu. Je la réconforte, je lui dis que je ne le trouve pas si mal et elle le fait
quand même.
Elle insiste elle-même pour mettre le chauffage électrique sur sept (sur une échelle d'un à quinze).
Je la laisse faire.
Quand je suis arrivé, la température était de douze degrés, elle est montée à vingt degrés pendant la
journée et à présent elle est retombée à dix-sept degrés.
J'ai sommeil et je dors bien.
Je m'éveille à minuit moins le quart et je coupe le chauffage.
Je le remets à trois heures et demie.
Le matin, vers six heures, le thermomètre indique seize degrés. Je coupe le chauffage. Je n'ai pas eu
froid.