Main tendue
Liste des poèmes
Salut
Femme
Qu'un voyageur
Que m'importent
Mon mystère
Mon secret
Chaînes
Agir
Je tends la main
Une épine
L'enfant me blesse
Dans l'éclat du matin
Vers le haut ciel levant
Mille routes
À Antonio Machado
Chemins
Trop de tendresse
Deux mains
Murillo
Exilés
Notre joie
Nous risquons tout
Nouvelles valeurs
Salut,
Fille qui me rencontre au gré de mes errances,
Attentive et tenace au seuil de mon bonheur,
Sylphide aux yeux d’azur d’un pauvre griffonneur,
Toi si belle et si folle en mille exubérances,
La vie !
Aurai-je le temps
Dans mes absolus sans fin
De chanter la beauté de la femme
Et la perfection de son teint ?
Je ne suis qu'un voyageur
Par le mont et par la plaine
Qui crie à perdre haleine
La plainte de sa douleur.
Je ne suis qu'un voyageur
Sur la terre et chez les hommes
Et sachant ce que nous sommes,
Voilà que saigne mon cœur !
Je ne suis qu'un voyageur
Seul, égaré dans les bois
Comme un daguet aux abois,
Orphelin plein de terreur.
Je ne suis qu'un voyageur,
Mais je sais qu'au fond quand même,
Si j'aime, celle que j'aime
M'ouvre un chemin de bonheur.
Je ne suis qu'un voyageur,
Grand ouvert à toute joie
Et cherchant en vain la voie
De l'éternelle candeur.
Je ne suis qu'un voyageur
Et le regard de l'enfance
Me remplit de l'espérance
D'un futur monde meilleur.
Je ne suis qu'un voyageur.
Enfant, toi dont l'âme luit,
Je m'enfonce dans la nuit,
Que ton œil reste sans pleur !
Je ne suis qu'un voyageur
Et toi de même, crois-moi !
Mais quand tu me quitteras,
Mon œil ne pleurera pas
Et je dirai ta valeur,
Car tu n'es qu'un voyageur
Par le mont et par la plaine
Qui crie à perdre haleine
La plainte de sa douleur.
Que m'importent mes cris
Si vous ne les entendez pas ?
Que m'importent parler et hurler
Si rien d'accompli n'en résulte ?
Les plus beaux livres du monde
Ne valent pas un geste d'amitié.
Je suis venu
Et personne ne m'a reconnu,
Je traverse les cités
Et personne ne me comprend,
Demain je partirai
Et personne ne m'aura écouté.
Mon mystère est entier en moi-même,
Rien ne perce les murs épais de ma citadelle.
Et ces fausses lueurs qui s'élancent
Ne sont que les phares sauvages
Des naufrageurs.
Mes paroles mentent,
Car mon secret est ailleurs,
Invisible et sacré,
Par delà les plus fous dédales
Jamais traversés,
Infiniment protégé,
Enfoui
Au plus profond de moi-même.
Je vaincrai les chaînes
Qui me scellaient aux prisons d'antan.
De mon doigt
Je dessinerai un ciel
Plus vaste que le ciel d'avant ;
Toujours l'exil me donnera une chance
De vaincre l'insulte qui nous est faite.
Je ne veux pas croire,
Ni savoir ni penser ni parler,
Je veux agir.
Seul l'acte voulu est libre
Et trace la voie d'une terre rajeunie d'éternité.
Qu’importe que ma main s’ensanglante !
Qu’importe que je rêve d’une eau claire ou d’un vif oiseau !
Je tends la main : seul cela importe !
Une épine tendue vers moi,
Une seule épine pour se défendre,
Une épine que je veux retirer,
Une épine que je veux adoucir,
Non brutalement la sectionner,
Car elle grandirait plus forte qu'avant,
Mais doucement extraire,
De ma main tendue, de ma main reprise,
De ma main tendue, de ma main blessée,
De ma main sans cesse,
Une épine au cœur d'enfant
Qui ne cesse de la blesser,
Qui ne cesse de me blesser.
Je tends la main, l'enfant me blesse,
Je tends la main, elle la refuse,
Je tends la main, elle regarde, intriguée,
Cette main qui ne cesse de jaillir,
Je tends la main, elle examine chacun de mes doigts,
Je me dis : « C'est gagné, elle s'apprivoise. »
Le lendemain, je tends la main et elle me mord.
Mais au bout de la route, au bout du temps,
De ma main toujours tendue,
Elle se fera une nouvelle attache,
Une ancre jetée dans l'océan d'incertitudes.
Ce jour-là seulement, j'aurai gagné,
Elle aura gagné.
Alors je cèderai le pas et irai plus loin,
Je me dirigerai vers le nouveau venu
Et je lui tendrai la main,
Il me blesse, je lui tends la main, il la refuse…
Si tu marches tout droit dans l'éclat du matin,
Hurle des cris de joie à tue-tête à l'aurore,
Plus clairs que les cristaux du pur givre enfantin,
Parcours le vent qui souffle en dispensant encore
Plus d'éclatantes fleurs et plus d'enfance nue.
Parcours le vent qui joue en sons de haut cristal
Les notes violines, la flûte ingénue
Où vibrent les reflets d'un frais ruisseau lustral.
Si tu marches tout droit vers le ciel grand ouvert,
Ressemble au cœur du vent à tout venant offert.
Si tu marches tout droit vers le haut ciel levant,
Disperse-toi longtemps comme feuilles au vent,
Ouvre la main à toute aurore, ouvre le cœur
À tout enfant, ouvre l'esprit à tout bonheur !
Sois le plus bel espoir qu'on ait vu se lever,
Semant un chant d'amour, plantant le sénevé,
Rassemble les cités, fais danser les gamins
Joyeusement d'été sur le vent des chemins !
Fais jouer les enfants, dispensant la gaieté,
Fais les rire et danser dans le soleil d'été
Et pénètre en menant cette troupe loyale
Le haut souffle du vent et l'aurore royale !
J'ai couru mille routes sous cent mille cieux
Dont les monts – car leur voûte navigue et voyage –
Tels des blocs menaçants, tout puissants, silencieux,
Composent en mon âme un mystique message.
Je leur ai confié et ma vie et mon sang,
Car leurs lignes sans fin et leurs troupes sauvages
Cavalcadent, dévalent, plus loin, plus puissants
Et couvrent notre terre de leurs grands ravages.
Car j'ai vu, oui j'ai vu, leur puissance et leur gloire
S'envoler de la terre en un terrible effort,
Tels les mâts des navires qui vainquent le port.
Car j'ai vu, oui j'ai vu, leur puissance et leur gloire
M'envoûter, m'entraîner dans les pleurs, dans les vents,
Plus loin, encor plus loin, vers le ciel des géants.
à Antonio Machado
Voyageur, il n’y a pas de chemin !
Aucune route ne t’est destinée,
Car ton chemin, tu le traces en marchant.
Et quand tu regardes derrière toi,
Les marques de tes pas s’effacent déjà
Dans la terre qui travaille et l’herbe qui croît.
Voyageur, il n’y a pas de chemin !
Il n’existe que ton fin sillage
Perdu dans l’infini de l’océan.
Itinéraires, sillons, pistes, traques, sentes, lignes d'erre,
Chacun trace son chemin.
Et ce joyeux labyrinthe, ces danses multicolores
Sont le terreau du monde de demain.
Il y a trop de tendresse et d'adolescence dans l'être humain
Pour n'être que dur.
La terre est entrelacs de laideurs et de beautés.
Dis le beau et suggère le laid !
Car l'être humain comprend à demi-mots
Et la révolte ne peut devenir profonde
Que si elle naît dans un cœur résolu.
Je te donne les deux mains, je te donne la vie,
Lève-toi demain et marche,
Sors du crépuscule et va loin, bien plus loin que la terre,
Plus loin que les souffles de la mer et les flots de l'air,
Bien plus allègre que le vent du soleil d'été !
Je te donne les deux mains, lève-toi demain,
Parcours les mers, les bois et les champs,
Traverse les rivières, gravis les montagnes
Et trouve enfin un rêve – si beau –
Que nul, ni couleur ni son ni odeur ne soit pareil.
Je te donne les deux mains, voyageur de ma vie,
Lève-toi demain dans l'hymne des oiseaux du matin
Et trouve enfin le rêve que nous portons tous en nous
Et si beau et si pur que chacun l'ignore et le connaît,
Et si pur et si beau que personne ne devrait ni le connaître ni l'ignorer.
Murillo,
Les mains, les visages
Et les gestes répétés
D'une humanité à genoux
Avide de lumière,
Tes petits mendiants
Épris de vivre,
Étendus de tout horizon,
Sont pour nous autres,
Pauvres exilés,
Symboles de toute dignité.
Aujourd'hui, je le proclame,
Cesse le royaume des tyrans,
Cesse la république des égaux ;
Aujourd'hui, un dessein immense
Parcourt la terre des hommes,
La terre de chaque homme.
Aujourd'hui, je te reconnais, ami,
À ce que tu te distingues de moi,
À ce que tu refais le monde
À chacun de tes pas.
Nous sommes les bâtisseurs d'une ère nouvelle
Sans foi ni loi, sans maître ni dieu,
Sans frères ni père, sans peuple ni toit,
Nous sommes les exilés.
Seule a de la valeur notre joie,
Celle d'aimer et de partager,
Car l'égoïsme du sens commun nous trompe,
La générosité et la joie dansent de concert.
Joie d’adulte simple et pure
Comme flamme ardente d’enfance.
Nous risquons tout... et c'est si peu.
Partageons, rêvons,
Semblables aux sources et aux étoiles,
Pareils à des enfants !
Vivons tous avec tous, au jour le jour le nôtre,
Sans s'hypothénuser de cosinus compliqués,
La philosophie n'est pas notre voie.
Cultivons notre joie !
Joie grave des hommes qui chantent
Leur vie et leur trépas.
Pas après pas, soyons enfants
Jusqu'au trépas !
Salut, nouvelles valeurs qui irradiez mon ciel,
Vous annoncez le crépuscule des faux dieux,
Des haines et du ressentiment,
Des mea culpa hypocrites
Des arrière-mondes fictifs,
Des cultes de la science et du progrès
Et des bien-pesants qui s'abstiennent de vivre.
Salut, nouvelles valeurs qui tracez ma voie,
Vous nous annoncez une aurore au regard clair.