De l'aube à l'aurore - La marche d'étoiles (10/10)

Un monde à refaire

Lune dans le ciel

La marche d'étoiles (10/10)

Nuit d'hiver dans les bois

Il se lève et reprend la route ; cet acte est le symbole de toute une nuit.

À l’aspect ordinaire des choses se superposent des écheveaux colorés et des étoiles, des myriades d’étoiles ; l’enfant tente de chasser ces fantômes et de voir aussi distinctement que possible la route et surtout la maison qu’il s’est donnée pour but.

Elle est proche maintenant, il la voit clairement, c’est une construction moderne avec de grandes vitres et de fausses plantes ; il y a beaucoup de gens à l’intérieur et ils dansent ; une musique obsédante lui écorche les oreilles déjà si douloureuses ; dans tous ces gens, il s’en trouvera bien un pour venir à son secours.

La porte d’entrée se trouve de l’autre côté ; Marc a encore assez d’énergie pour résister à la tentation de franchir la balustrade qui clôture symboliquement le jardin et d’aller directement à la grande fenêtre.

Voilà la porte d’entrée devant lui ; il suffit d’aller tout droit ; comme elle tourne, la porte ! Marcher encore ! Les images se brouillent, Marc ne distingue plus rien ; il ferme les yeux et avance en ligne droite, il arrive droit sur le mur, s’y heurte, puis tâtonne à la recherche de la porte vitrée ; la voici enfin ! Marc ouvre les yeux, repère la sonnette, presse de toute la force du poing.

Il attend, la musique poursuit son martèlement stupide.

Il attend, personne ne vient.

Il attend longtemps, mais sa lucidité décline peu à peu ; il faudrait venir vite ; il sonne encore.

Mais on ne vient toujours pas ; les objets perdent leur forme, les étoiles se multiplient ; alors désespérément Marc presse sans cesse la sonnette.

En vain !

L’enfant décide d’atteindre la baie vitrée et de frapper sur le carreau.


Marc repart, trébuche et tombe dans la neige ; il n’a plus la force de se lever. Tant pis ! Il continuera, il y parviendra, même à quatre pattes, même en se traînant.

La fièvre poursuit son jeu cruel et invente de nouveaux cauchemars qui vibrent longtemps devant les yeux de l’enfant ; des masses noires viennent de l’horizon, approchent, grandissent et écrasent, Marc est oppressé, il halète ; tout tourne, il va disparaître dans l’abîme, mais il évite la chute au dernier moment.

Ensuite les visions se retirent toutes et laissent le garçon dans la plus grande désolation ; Marc ressent toute sa faiblesse, mais il doit poursuivre la lutte.

À présent la grande baie vitrée est proche, il s’y traîne péniblement ; les gens sont là, de l’autre côté du verre, ils dansent, s’amusent et rient ; cette musique est assommante.

Il faut frapper sur le carreau ; Marc lève le bras et roule dans la neige, il ne parvient pas à tenir sur une seule main, deux sanglots lui écorchent les yeux ; il se met à quatre pattes, difficilement et frappe de la tête contre la vitre, de toute la force qu’il lui reste.

Il regarde : de l’autre côté de la baie, rien ne semble avoir changé.

Le froid épouse la fièvre et le couple martyrise l’enfant ; c’est l’univers entier qui grandit et rapetisse maintenant ; tout suit un mouvement giratoire de plus en plus insensé, puis le monde file de plus en plus vite, tout vibre et tourne au sein d’un gigantesque tourbillon noir, le puits se creuse sous les pieds, l’enfant ne peut éviter la chute, il disparaît dans l’abîme en poussant un cri d’épouvante.


Le corps à demi nu du tout petit garçon retombe sans un bruit dans la neige cruelle et fixés sur l’espoir, implorant du secours, les yeux du jeune Marc s’éteignent pour toujours.