Saint-Chély-d'Aubrac, 6 mai 2011
Je me lève peu après six heures.
Les cyclistes déjeunent déjà. Ils sont arrivés tard hier soir. Ils ont dû faire un long détour suite
à des travaux. Ils sont sympas.
Les pèlerins à vélo ne voient pas les distances, le ravitaillement, l'hébergement et les bobos de la
même manière que nous, ce qui ne nous empêche pas d'échanger nos expériences !
Avant de quitter Nasbinals, je salue certains compagnons qui arrêtent leur pèlerinage ici.
Ceux qui ont décidé d'aller jusqu'à Santiago sont les moins nombreux. André en fait partie, ainsi que
Patrick, l'ancien gendarme et ses ampoules.
Beaucoup de pèlerins ne marchent qu'une, deux ou trois semaines. Ils comptent faire l'entièreté du
camino, mais tronçon par tronçon.
Peu après Roquecaule, quelques animaux paissent près d'une ruine en contrebas du chemin.
Je traverse l'Aubrac sauvage et je bois à longs traits les paysages. Le chemin est
clairement tracé et bien balisé. Mes craintes étaient sans fondement.
En plus il fait clair et ensoleillé, ce qui n'est pas fréquent ici. Nous avons beaucoup de chance.
Je dépasse Noam, sa grand-mère et le couple peu avant le pont sur le ruisseau de Chambouliès. Je ne
les verrai probablement plus puisqu'ils arrêtent leur pèlerinage à Aubrac, un village qui n'est plus
très loin.
Noam veut un bâton de marche. Le mari du couple taille un petit arbre pour lui en faire un. Il risque
d'être très souple son bâton ! Enfin ce qu'enfant veut, Dieu le veut. On disait cela à propos des
femmes autrefois, mais les temps ont changé.
Ce n'est qu'après les avoir quittés que je réalise que je n'ai pas mis ma balise en route. Je dois absolument lui accorder plus d'attention ! Depuis que je marche avec d'autres pèlerins, je suis plus souvent distrait !
Peu avant le buron de Ginestouse bas, on aperçoit à gauche de la butte la ferme de Ginestouse.
À hauteur du buron de Ginestouse bas, il faut traverser une barrière à bétail.
Le buron de Ginestouse Haut.
Dans le vent, sur les hauteurs de l'Aubrac, je suis seul, et il fait beau. Je ne peux plus contenir ma joie, je n'en espérais pas tant. Je me sens une énergie du tonnerre et je marche d'un bon pas.
Il y a un passage boueux non loin d'un bosquet, juste avant de rejoindre la grande draille.
Au début de la grande draille je vois des pèlerins devant moi. Peu à peu je me rapproche d'eux.
Et voici Aubrac dans son écrin de verdure.
Je rejoins les pèlerins. Parmi eux il y a André et Michel. Michel va jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port. André habite dans l'Anjou et Michel au Mont-Saint-Michel.
Nous allons prendre un café (une tisane pour moi) chez Germaine.
Ce café-restaurant est une légende du chemin, il est connu pour son ambiance et pour ses tartes aux
myrtilles. Actuellement c'est Valérie qui tient l'établissement.
Après Aubrac, je pars en tête. Mes jambes ont envie de marcher. Je rencontre Patrick, l'ancien gendarme au sac de vingt-quatre kilos et à peu près autant d'ampoules. Je lui dis qu'André et Michel me suivent.
Un peu plus loin je rencontre un petit groupe avec Gaby, l'Occitan. Gaby se joue un personnage. Il emmène partout un grand drapeau occitan. Il a de grandes jambes.
Il met un point d'honneur à marcher plus vite que moi. Les prouesses me plaisent, mais pas la
compétition. Je ralentis le pas et je le laisse partir. J'aurai d'autres occasions pour satisfaire
mes jambes.
En outre la descente est caillouteuse et je ne tiens pas à devoir abandonner parce que j'aurais fait
le sot dans une descente. Comme disent les Italiens : « Chi va piano va sano, chi va sano va
lontano. » (qui va doucement va sainement, qui va sainement va loin)
Juste avant Belvezet, la ruine d'une fortification trône sur un Puy.
« Belvezet » me fait penser à « duivel bezet », et à une expression flamande : « kinnekes van God bemind en van de duivel bezet » (petits enfants aimés de Dieu et possédés du diable).
Vue vers le bois de Roquebasse, par-delà le ruisseau de la Boralde de Saint-Chély-d'Aubrac, peu avant la descente à Del-Sail.
J'arrive à midi et demi à Saint-Chély-d'Aubrac. Je repère le gîte et je coupe ma balise.
Je reviens sur mes pas pour retrouver André et Michel. Patrick s'est adjoint au groupe, ainsi que d'autres. Nous buvons un verre ensemble.
Je pars à la Tour des Chapelains (mon gîte) et je m'y installe.
Je repère un restaurant près du gîte et je réserve un repas simple et belge que je n'ai plus mangé depuis longtemps, un steak frites.
Je descends dans le village pour reconnaître l'amorce du chemin que je prendrai demain et je trouve
mes compagnons au bar.
Demain André et Michel partiront vers sept heures et demie. André préfère partir tôt, car il a un
problème au genou.
Je vais au restaurant à six heures.
Le restaurateur est belge, il est originaire de Bastogne, il s'est installé à Saint-Chély il y a dix
ans. Son propriétaire le chasse, car il veut ouvrir un grand restaurant. Ce qu'il lui reste, c'est
le gîte et la chambre d'hôtes.
Je reviens au gîte. Notre hôte nous offre un verre de Kir et nous raconte l'histoire de la Tour des Chapelains.
Avant d'aller dormir, je vois un échiquier mal rangé : les joueurs ont une case noire en bas à droite,
alors qu'elle devrait être blanche. En plus la position est bizarre.
Je questionne mon hôte à propos de cet échiquier. Il me dit qu'il accueille régulièrement un fort joueur
d'échecs.
Je lui propose de ranger l'échiquier et j'y mets une position classique d'ouverture, issue de la variante
de Moscou de la défense sicilienne. Cela me redonne envie de jouer aux échecs.