De l'aube à l'aurore - L'ermite et le pèlerin - Étourvy (4 avril 2011)

Un monde à refaire

Cabo Fisterra

Étourvy, 4 avril 2011

Je range, je nettoie, je balaie et je quitte le gîte à huit heures moins le quart. J'espère que le magasin d'alimentation de Bragelogne, quatre kilomètres plus loin, ouvre à huit heures et demie au plus tard.

Un peu partout dans les Grandes Vignes, je vois les petites camionnettes blanches des viticulteurs.

Bragelogne

Le village de Bragelogne est tout en longueur sur deux kilomètres.

Je cherche longtemps le magasin indiqué dans mon guide. Tout ce que je trouve est un bar fermé, qui fait peut-être épicerie.

Peut-être y a-t-il un commerce à Villiers-le-Bois, neuf kilomètres plus loin ? Mais j'en doute fort.

Le temps hésite entre nuages et timides rayons de soleil.

La glaise est ignoble. Elle s'accumule en grosses mottes et me voltige autour des jambes à chaque pas. Rapidement mon pantalon est encore plus boueux qu'hier.
Quand je le peux, je marche dans l'herbe mouillée, ce qui trempe mes bottines. Mais mes semelles accrochent un peu mieux sur l'herbe. Sur la glaise et les cailloux, ils glissent comme sur de la glace.
Cela rend les descentes périlleuses.

Les villages n'ont plus de commerce, pas même une boulangerie. Les gens vont faire leurs achats en voiture dans les grandes surfaces, près des villes. Ce monde n'est pas fait pour les marcheurs.
Vivement que le prix du pétrole décuple pour que les petits commerces ouvrent à nouveau !

Voitures dans Villiers-le-Bois

Cette tyrannie de la voiture, j'en ai la confirmation à Villiers-le-Bois.

Il y a beaucoup de voitures, mais pas un seul magasin. S'il n'y en a pas à Villiers-le-Bois ni à Étourvy (selon le guide), il n'y en aura pas à Quincerot.

À la sortie de Villiers, il faut prendre un chemin à gauche vers Quincerot. Il n'y a aucune balise sur les poteaux tout neufs. Peut-être les anciennes balises sont-elles parties et n'en a-t-on pas encore mis des nouvelles ?

Passer par Quincerot, c'est s'offrir un détour de trois à quatre kilomètres pour avoir le plaisir de franchir des obstacles dans les bois. Comme je suis en avance, je décide de le faire.
Mais à peine ai-je mis un pied sur le chemin que je glisse comme sur une plaque de verglas. Le chemin est couvert de glaise lisse.
J'en ai plus que marre de la boue. J'ai froid, je suis fatigué, la pluie menace, donc je coupe au court.

En plus, la route bitumée est très tranquille, quasi sans voiture. Un kilomètre et demi plus loin je retrouve le chemin balisé. Dorénavant je choisirai moi-même mon chemin.

J'arrive au Foyer Rural peu après midi. Je m'assieds, j'écris, je vérifie s'il n'y a pas de message sur mon portable et je prépare l'étape de demain.

Peu avant deux heures je rencontre la responsable du Foyer, elle me montre les lieux.
Dans le livre du gîte, je vois le nom de Noël Dujardin, qui est parti de Liège un jour après moi. Il est passé ici le trente mars. Il a déjà une grande avance sur moi.

La responsable me demande si je ne suis pas frileux. Je ne le suis pas. Elle encaisse l'argent, tamponne ma crédenciale et s'en va, car elle a d'autres obligations.

Mare aux cygnes d'Étourvy

Je passe un agréable moment près de la mare aux cygnes d'Étourvy.

Le soir je comprends mieux la question de la responsable. Ma chambre est une glacière, le chauffage est coupé et la température extérieure avoisine zéro degré. Et il n'y a même pas de couverture. Et bien sûr il n'y a plus personne dans le gîte.

Décidément en France, c'est une obsession de faire dormir les pèlerins dans des chambres froides.
Mes souliers sont trempés, mes vêtements sont mouillés. Ils le seront sûrement demain matin. Et je ne pourrai me réchauffer qu'à la lumière du soleil.
J'ai des chaussettes trempées dans des chaussures trempées et des jambes de pantalon trempées. Si je n'ai pas la crève demain, je suis bon pour aller jusqu'à Fisterra.

Mon projet, c'était de marcher, de ruminer et d'écrire sans devoir me colleter chaque jour avec des problèmes d'alimentation, d'hébergement et de séchage. « Pèleriner » était un mauvais choix, mais à présent je veux aller jusqu'au bout.