Mains ouvertes
Liste des poèmes
Trois morts
Si tu meurs sur le marbre
Médiocres
Car il était grand
Pour un corps
Pour tel cri que j'écoute
Pleurs de colère
Bâtir en marbre
Esquif des martyrs
Mains ouvertes est mort
Pulsion malsaine
Poésie hypocrite
Crier la vérité
De quels chants je m'exile
Voici lucidité
Dire la vérité
Chant venu des petits
Ne plus être inutile
Pour la non-violence
Jour de paix
Une femme (protasis)
Une femme (apodosis)
J'ai trois morts dans ma vie.
Roger, que je connus enfant,
Quartier-maître que la leucémie emporta
Suite aux essais nucléaires alliés.
Jacques, que je connus adolescent,
Que son titulaire poussa au suicide
Avant de devenir une sommité de l'enseignement.
André, que je n'ai pas connu,
Qui vint aux hommes les mains ouvertes
Et que les hommes assassinèrent.
Partout règne la folie des êtres humains.
Si tu meurs sur le marbre,
Qu’il est dur, que tu cries ;
Si ta douleur te perce
Jusqu’à t'en déchirer ;
Si le cri, par l’étoile,
Fuit la glace isolée ;
Si tu pars et t’enlaces
Dans un ciel glacial ;
Apprends-moi ton angoisse
Que je puisse pleurer !
Qui peut m'empêcher
De chanter le cœur qui souffre
Dans la grande plaine nocturne,
De chanter celui qu'on n'aide pas ?
Et ne fermons pas les yeux
Aux lueurs de nos consciences !
Car la vérité jamais
Ne doit faire peur.
Si vous entendez
Crier sur les montagnes,
Laissez ce cri vous atteindre,
Laissez l'angoisse vous prendre !
Pourquoi, médiocres,
Pourquoi abandonner ?
Voyez comme la terre est grande !
Levez-vous et agissez !
Car il était grand,
Celui que tu as tué.
Il regardait loin
Par-delà les montagnes,
Il pouvait lever les yeux
Très haut sur la terre,
Il pouvait aimer
Le ciel et la joie du soleil,
Car il était grand,
Celui que tu as tué.
Pour un corps – qui mène
Offrir – son sang,
Venez, amis, aimer !
Pour un corps – qui mène
Souffrir – sa chair,
Venez, amis, aider !
Pour tel cri que j'écoute,
J'ai du mal à chanter,
Même si c'est la route
De toute vérité.
Vois les oiseaux qui volent
De la terre au ciel bleu,
Les amours qui s'envolent
Au cœur des gens heureux.
Mais les courants marins
Me dirigent ailleurs.
La vie n'est pas légère
Pour qui aime les gens.
Je voudrais m'encourir
Et crier dans le vent
Que ne doit pas mourir
Celui qui marche en tête.
Le vent hurle des plaintes
Et l'âme pleure en vain
L'homme aux mains ouvertes
Qui montrait le matin.
Pour nous qui survivons
Dans l’enfer de la terre,
La main ouverte indique
Un nouvel horizon.
Cessons d'être si lâches
Et décidons d'agir,
D'accomplir notre tâche
Même s'il faut souffrir.
La terre nous appelle,
Faisons taire nos peurs,
Ne fermons pas les yeux
Sur les malheurs des gens !
Ceux qui ouvrent les mains
Dans leur vie, dans leur joie,
Mènent un dur combat
Qui nous montre la voie.
Coule la nuit,
Souffle le vent,
Pleure la nuit
Qui meurt aimant.
Criez, coulez,
Pleurs de colère,
Pour rappeler
La plaie amère !
Tandis qu'on dort,
Lancez l'alerte,
Hurlez la mort
De mains ouvertes !
Je veux bâtir en marbre
Et chasser l'illusion,
Je veux planter un arbre
Qui soit un trait d'union.
Car dominent bêtise,
Paresse et lâcheté
Et si je me ravise,
Je perds la vérité.
Et malgré mes défauts
Je veux bâtir, il faut !
Je dois bâtir en marbre
Et vaincre l'illusion,
Je dois planter un arbre
Qui nous soit trait d'union.
Ni rime ni poème
Ni chanson ni refrain,
Je cesse ma bohème
Et trace mon chemin.
Finis les états d'âme
Et les chants d'un rêveur !
Le monde est plein de drames
Et livré à l'horreur.
Une lourde tristesse
S'empare de mon cœur
Pendant que je progresse
Vers ces cris de douleur.
Poésie des grands cieux
Et songes de l'été,
L'ombre m'éteint les yeux
À l'heure de vous quitter.
Adieu, tendres poèmes,
Il est temps de partir
Rejoindre ceux qui aiment
Dans l’esquif des martyrs.
Mains ouvertes est mort
Et mon cœur est trop triste
Pour enchanter encore
Un monde aussi sinistre.
Mains ouvertes est mort
Nul poème à présent
Ne peut crier encore
Un deuil si oppressant.
Mains ouvertes est mort.
À quoi bon discourir ?
Trop dur est vivre encore
Et je voudrais mourir.
Mains ouvertes est mort,
A présent plus de rime !
Je veux virer de bord
Et combattre tout crime.
Quelle pulsion malsaine
M'encourage au martyre ?
Tout est folie humaine,
Je ne sais plus quoi dire.
Ceux qui sont morts pour nous,
Ceux qui rêvent pour nous,
Exigent notre sang
Et vantent notre mort.
Nous ne pourrons ni fuir
Ni les rendre moins fous.
Notre sort est scellé
Par leurs sombres délires.
Cependant je veux fuir
Et consoler qui souffre,
Car cette pulsion saine
Vaut mieux qu'un noble martyre.
Je cesserai d'être lâche
Et je proclamerai
Partout ma fierté
D'aimer et d'aider.
Et toute poésie
Est une hypocrisie,
Mains ouvertes est mort,
Mains ouvertes est mort !
Agir à bon escient,
Maîtriser toute peur,
Écarter l'inconscient
Pour que vivent les cœurs !
Crier la vérité
Dans ce monde insensé,
Crier la vérité,
Mon chemin est tracé.
Mieux comprendre vers quoi
Mon chant s'élèvera
Et dire en quoi je crois,
Advienne que pourra !
À présent que la paix
A élu domicile,
Je peux dire à jamais
De quels chants je m'exile.
Car je sais quel hommage
J'ai offert à l'enfant
Et dans quel grand voyage
M'envoya l'œil ardent.
Mon chant n'était que rire
Léger et sans valeur
Et il me faut écrire
À l'ombre du malheur.
Se bercer d'illusions
Est ce qui m'asservit.
Au rebut, mes visions !
Je préfère la vie.
Rêver à l’avenir
Ou vanter un passé,
C’est vouloir acquérir
Un songe et se tromper.
Hors du rêve infantile
Voici lucidité !
Que je me sens fragile
Face à la vérité !
Dire la vérité
En tout lieu chaque jour
Sans se mettre à chanter
De faux refrains d'amour !
Et plutôt se baisser,
Reconnaître ses torts,
Ne jamais se lasser,
Tenir jusqu'à la mort !
Comprendre qu'elle est là,
Celle que nous aimons
Afin que seul cela
Éclaire l'horizon !
Le chant superbe
De mains ouvertes
Va monter des vallées
Comme un vent d'aube fraîche,
Comme un babil de mésange
Venu des petits.
Cristal et lumière,
Enfance et simplicité
Qui vont rendre à l'homme
Enfin sa vérité !
Ne plus être stérile
En demi-cécité,
Ne plus être inutile
En demi-vérité !
Le ciel est bleu qui m'invite
À surpasser mes mots,
Car je marcherai vite
Vers un monde nouveau !
Qu'on critique le non-violent,
Qu'on le dise niais,
Je ne sais pas pourquoi
J'y adhère au fond de moi.
Car on est si peu
Qu'il n'est que juste
Qu'on apporte la paix
Et la consolation.
Tous nous souffrons, tous nous mourrons.
Nos plus hautes ambitions ne sont que des rêves !
Nous sommes si faibles et si puérils.
Alors un peu de paix, d'amour, de douceur…
Sur ma route s'élève un refrain simple et doux,
Un chant humain qui est tout moi et tout autrui,
Une sierra sous le soleil, une mer calme,
Une plaine de lumière, un cirrus dans le ciel.
Un jour de paix, un jour de joie,
Dit une enfant à un jeune réfugié.
Un jour de paix, un jour de joie,
Je le dirai sans cesse en toute humilité,
Loin des armes, loin des promesses de beaux jours
Charriées par les religions et les idéologies.
Un jour de paix, un jour de joie
Et un sourire qui efface toute crainte.
Car je vois un jaunet qui vaut tous les trésors,
Cette vie et ce monde si simples devant moi
Délivrés des dieux, des idées et du surnaturel.
Venue d'inconnu
Une femme
Traverse le pays et la mort et la guerre,
Et à chaque orphelin elle tend la main.
Une femme
Reconstruit un espace de vie
En marchant, à chacun de ses pas,
En chantant un message de joie.
À chacun elle donne son nom
Et l'appelle par son prénom,
À chacun elle donne une place
Et elle redonne de l'espoir.
Mais elle souffre,
Blessée de marcher,
Harassée d'avoir peur,
Tenaillée par la faim,
Frissonnante de froid,
Accablée de maux.
Une femme
S'échine à vaincre
La peur et le mal
À chacun de ses pas.
À chacun elle offre son chant
Et l'appelle par son prénom.
Mais la maladie prend les noms
Et les prénoms
Et la guerre tue les noms
Et les prénoms,
Mais la faim prend les noms
Et les prénoms
Et les blessures tuent les noms
Et les prénoms.
À marcher en chantant de joie
La route perd chaque prénom,
L'univers s'effrite en chaos
Et seul demeure l'effroi.
Une femme marche sur la route,
Seule,
Traverse le pays et la mort et la guerre,
Et à chaque orphelin elle tend la main.
Car là-bas, pas bien loin, en contrebas
Gémit de nouveau une voix.