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Liste des poèmes
J'ai ouvert les yeux
Je rêve d’une eau claire
Oradour, Lidice
Je ne comprends pas
Toute force en soi
Sans maître ni dieu
Je crée
Je n'ai pas de havre
Vastes ravins
L'être humain aime Dieu
Si le miracle
Dieu est mort
Cessons d’y rêver
Orphelins démunis
Que des enfants
Enfants même adultes
Enfants – les vrais
Jeune, pur et droit
Respecte l'enfant
Sourire d'enfant
Si peu
Éternelle est notre mort
Pergo quia absurdum
Ce long désespoir
Désespère de tes illusions
Rêver, aimer, se duper
Toujours marcher
Justice, injustice
Craignez les poètes
Toujours plus profond
Le rêve d'Allende
Aux lointains informels
Je vous lance ce message
Éternel est ce vent
J'ai ouvert les yeux
Et ne les ai pas fermés,
Toujours candide regard
Porté sur le monde.
J'ai baladé mon cœur
Au gré de ses merveilles
Sans cesse rajeunies
D'éternité.
Je rêve d’une eau claire et d’un vif oiseau,
Je tends la main
Et déjà elle s’ensanglante.
Oradour, Lidice et tant d'autres horreurs !
Quand sortirons-nous de l'ère barbare
De ceux qui croient savoir et tuent au nom
Des races, des idées et des dieux ?
Quand ferons-nous revivre des fleurs sur l’horreur des charniers ?
Quand accueillerons-nous nos différences comme une richesse ?
Dégroupons-nous et demain naîtra l'internationale tolérance !
Je ne comprends pas
La guerre, la haine, le racisme
Et toutes les faiblesses humaines
Égarées.
Je n'admettrai jamais la détresse !
Toute force en soi
Exposée au néant
Brise les chaînes,
Écartelé des chaînes avides de néant.
Sans maître ni dieu ni foi ni loi
Emprunter toute route par delà l’horizon
Briser les liens du marais des crétins
Qui fourmillent et brisent les destins,
Rompre de force, courir plus loin,
Creuser le néant solide et fortifier ses mains,
Pioche, truelle et marteau,
S’ensanglanter la chair, se l’arracher
Pour que demain vive toute clarté.
Je crée, avant tout je crée
Et j'affermis la clarté
Des routes de nuit
Puissantes et lisses.
Je n'ai pas de havre et n'en veux point avoir,
Tout exil engendre, tout arrêt croupit.
Dire non pour dire oui et briser les espoirs
Insensés, mesquins et stupides
Des ces bien-pensants ordinaires
Qui courent les rues
En lançant leurs à quoi bon insanes
Pour mieux crucifier les destins !
S'engloutir dans les vastes ravins d'ombres
Et marcher malgré la nuit
Vers cet autre inaccessible
Et hors d'espoir aujourd'hui.
Fouiller ce qui est perdu,
Creuser sans savoir, sans pouvoir
Et crier partout l'insulte faite à l'être humain
Par les dogmes, les doctrines, les idées.
Tout ces fatras mytheux devront périr
Si l'on désire qu'un jour
L'être humain puisse vivre digne.
Dire non aux idées toute faites,
Aller au-delà, aller par delà
Dans la recherche infinie
Et si l'on se croit enfant de Dieu,
Quitter son père et sa mère !
Et l'être humain aime Dieu,
Car il aime ce qu’il a longtemps façonné,
Toute idée fabriquée par ses neurones.
Plus ce conte est une chimère,
Plus il l’entoure de soins et de mystères,
Plus il le couve et le vénère.
Qu’on m’entende bien !
Je ne nie pas l’existence de Dieu,
Je l’affirme au contraire
Et j’ajoute que ceux qui vivent dans ce songe
Ont les yeux des enfants devant Saint-Nicolas.
Si le miracle pouvait arriver maintenant,
Si Dieu pouvait se trahir !
Ce n'est pas un reste de foi,
Mais le souhait que quand même, malgré tout,
Cette faribole serait vraie.
Et pourtant Dieu n'existe pas
Et je suis seul au monde.
Un jour nous devons comprendre
Que nous avons toujours été
Orphelins.
Les yeux s'ouvrent : Dieu est mort !
Voilà qui sonne le glas d'une longue rêverie humaine
Sans objet !
Dieu est mort !
Quand je vois combien on endoctrine encore
Des enfants
Avec ces fadaises et ces sottises,
Une révolte me prend
Et une colère qui ne va pas s'éteindre
Et une rage qui va sourdre longtemps !
Dieu est mort !
Un jour nous devons nous savoir orphelins
Et ceux qui croient encore être des enfants de Dieu
Devront douloureusement quitter père et mère.
Dieu est mort !
Oh, enfants aux grands yeux clairs,
Puissiez-vous nous pardonner
Nos errances et nos erreurs !
Oh dieux, oh cieux !
Cessons d’y rêver !
Arrêtons les délires !
Cessons les dérives !
Et vivons ici
Et maintenant !
Tous, tous,
Nous ne sommes que de petits orphelins démunis
Et ceux d'entre nous
Qui élèvent le plus la voix
Et frappent le plus fort de leurs petits poings
Et se démènent tant et plus
Ne sont pas les moins
Désemparés.
Au fond, nous ne sommes que des enfants.
Ne le sentons-nous pas profondément ?
Elle est là, tout près de nous,
Cette pierre blanche qui ne nous a pas quittés !
Enfants,
Enfants même adultes,
Enfants d'une même planète,
Enfants d'un même cœur,
Tendus vers le grand monde,
Oubliez ce qui vous sépare !
Enfants même adultes,
Vous êtes si proches :
Un rien de tolérance
Ferait tant de bien
Face au soleil.
Enfants – les vrais – ,
Conservez droit devant vous
La loyauté
Et ferme la droiture !
Ne trompez pas !
Dites toujours vous tels que vous êtes,
Loyaux, purs et clairs de cœur
Jusqu'au fin fond de l'horizon !
Jeune, pur et droit
Tout pur et tout droit vers l'infini,
L'âme infiniment propre,
Ni mensonge ni compromis,
Ni petits intérêts mesquins,
Ni vues étroites,
Mains largement ouvertes,
Yeux clairs, route droite,
Toute force jaillissante
D'un sarment pur et clair,
Flèche verte fendant le ciel !
Respecte l'enfant, partage son pain
Au nom de son enfance, au nom de la tienne,
Sois aussi sensible que lui, aussi clair que lui !
Je ne te demande pas d'oublier ce que tu as appris,
Je te demande de le savoir vraiment.
Tends la main à tout enfant,
Aie les yeux de l'enfance première,
La robustesse de l'âge mûr,
L’intelligence de l'ascète, de l'ermite,
Le cœur ouvert du pèlerin, du pédagogue de la terre !
Rien ne vaut
Un sourire d'enfant aux soupirs de nos lèvres !
Rien ne vaut la tendresse !
C'est l'expérience de toute une vie.
Trop tôt la mort va nous cueillir !
Pourquoi se haïr ?
Pourquoi s'ignorer ?
Pourquoi ne pas s'entendre ?
Alors qu'il suffirait de si peu !
Éternelle est notre mort...
Pourquoi m'avoir fait naître pour me tuer ensuite ?
Éternelle est notre mort
Puisque de tout temps il fut écrit...
Crispe ta main avide, toi qui es cerclé de néant !
Éternelle est notre mort
Puisque de tout temps il fut écrit
Que nous mourrons !
Jamais je ne saurai,
Jamais je ne durerai,
Jamais je ne maîtriserai,
Jamais… jamais…
À quoi bon poursuivre ?
Pergo quia absurdum.
Ce long désespoir
Des éditions,
Des termes mal donnés, mal compris,
Cette recherche de l'absolu
Seul désirable,
Seul transcendant.
Tout est éphémère et mortel
Et rempli de l'ennui
Du tic-tac des trains,
D'une grande fatigue déshumaine
Et néante
Et vide.
Désespère de tes grandes illusions, de ta grande enfance sur le monde !
Chacun de tes espoirs est une longue blessure qui te déchire le corps,
Chaque lumière est un mur, chaque soleil est une chute,
Il n'y a rien au bout de la route vide, rien d'autre que ton néant.
Tout poursuit sa vie et toi, tu vas mourir,
Dix années, cent, qu'importe : c'est pour tantôt !
Toute ton enfance sera avalée, déchirée, écartelée
Par les grandes forces aveugles de désespoir et d'angoisse.
Que ces tortures cessent ! Que je meure à l'instant !
Pourquoi ne meurt-on pas à onze ans ?
Pourquoi avons-nous l'indécence de penser ?
Comme il serait facile de croire à Dieu, à l'immortalité de l'âme
Ou à tant d'autres fadaises sentimentales !
Mais c'est trop tard, bien trop tard, tu ne crois plus à Papa Noël !
Qu'on me laisse en finir !
Rêver, aimer, se duper, toujours, de plus en plus,
Jusqu'à la sclérose du cerveau,
Sinon il n'y a plus moyen de vivre.
La vie, c'est d'abord tricher contre la vie ;
C'est pour cela qu'on déteste les chercheurs de vérité :
Ils la sentent bien, cette blessure au flanc,
Elle finira par les isoler, les annuler et les détruire.
Il faut, encore et toujours, marcher vers l'impossible.
Est-ce possible ?
À la fin, la mort semblera toujours préférable à la vacuité de cette recherche.
Justice, injustice, guerre, paix.
Sans cesse tourne la roue et sans cesse renaît la lutte
Éternellement !
Jamais une bête immonde ne meurt,
Son ventre est toujours fécond
Et dans mes ombres de lumière
Voguent des générations d'enfants !
Voyageur, assieds-toi et regarde !
La terre, l'humanité ne sont que bourreaux d'enfants.
Plus que jamais je ressens l'inanité des grands espoirs humains.
Il faudrait sans fin consoler la petite créature chétive qu'on nomme être humain.
Allons ! Courage ! Encore une fois ! Debout !
Prends ton bâton de pèlerin
Et marche ! Et lutte ! Et vis !
Craignez les poètes, ils sont libres.
Craignez les poètes, ils vous diront non
Quand ils le devront
Par fidélité à leur douleur,
Pour leurs espérances déçues,
Pour la grande enfance
Qui recouvre le monde.
Profond, profond, toujours plus profond, creusons !
Ne ménageons pas notre peine !
Fierté, rigueur, courage.
Nous sommes les hérauts d’une ère nouvelle
Où tous les droits humains primeront sur
L'argent, la guerre, le pouvoir
Et la sottise du TINA.
Demain nous referons le rêve d'Allende.
Nous serrant les coudes, ne serrant pas le poing,
Nous serons les mots de Sankara, la rage de Babeuf, la conviction de Gandhi,
Nous viendrons par milliers, par millions, par milliards
Assister au décès des tyrannies.
Demain,
Ceux qui préfèrent beaucoup d'injustice à un peu d’inconfort
Auront honte d'eux-mêmes et de leur égoïsme,
Ils iront se cacher dans les caves de leurs palais en or.
Et nous, tous ensemble, amis, compagnons,
Nous referons le rêve d'Allende !
Aux lointains informels, j'adresse mon salut,
À ces lendemains que jamais je ne verrai.
Un espoir me reste accroché au cœur,
Il me susurre que demain
Les enfants, les femmes et les hommes
Cesseront d'avoir soif, d'avoir faim et d'avoir peur,
Auront un toit pour s'abriter et des lieux pour se parler
Et pourront lire, et savoir, et rire, et danser, et chanter librement.
Amis, compagnons, foyers de lumière
Éparpillés dans la nuit financière,
Je perçois notre frémissement, je pressens notre aurore.
Ensemble faisons que demain soit déjà aujourd'hui !
Je vous lance ce message
Comme une pierre au fond d'un puits
En me demandant quelle sera sa vie,
Comme un frêle esquif sur l'océan
En ne sachant s'il accostera,
S'il portera des fruits,
S'il vous dira quelque chose de neuf,
De jamais entendu
Qui vous transformera
Et fera de vous
Plus, autres,
Neufs,
Comme un enfant qui renaîtrait à la vie,
Le visage lavé et clair,
Les yeux profonds et lumineux,
D'un acier tel,
De vérité si pleins
Que rien ne peut l'altérer.
Éternel est ce vent qui souffle sur la terre !
Éternel est ce chant qui danse en moi !
Puisse Darwin avoir raison
Et le hasard et la nécessité
Nous offrir un autre destin !
Chante, poète !
Danse, pèlerin !
Marche, enfant !
Moi aussi j'ai jeté ma bouteille à la mer.