Blanche étrave
Liste des poèmes
Trois notes
D'un seul jet
Cœur et esprit
Dans la nuit noire
Rêve
Car cette image
Je n'ai qu'un mot
Vagabonde, nuage
Steppes
Engrenages
La nuit est claire
Ami, je t'appelle
Je m'en vais sans fierté
Légère eau
J'ai beau chanter
Sensible à l'infini
Si je savais qu'au loin
Le pays sans maux
Je délaisse la terre
Je créerai un chant
Étrave lointaine
C'est l'enfant
Je vois une grande plaine
Qui s'étend à l'infini
Sur laquelle un chant me mène
Sur des chemins désunis.
Je vois la nuit de silence,
Noirceur par endroits jaunie
D'un rai triste et la présence
Des trois notes de ma vie.
Comme un long écho répond,
Résonnent, claires et vides,
Dans la froide nuit sans fond
Trois belles notes limpides.
Notes claires de tristesse
Qui s'écoulent en lueurs
Mélancoliques et me blessent
D'une nouvelle douleur.
Je voudrais d'un seul jet
Décrire l'horizon,
Crier toutes les forces
Qu'on ne peut exprimer.
Notre langue vit de mots
Que tous savent n'être rien.
L'esprit plane bien plus loin.
Dieu a d'autres mots.
Notre essence et notre vie
Ne peuvent être révélées.
Elles dépassent les poèmes
Et font fléchir la musique.
Écarter l'esprit par le cœur,
Enrichir de cœur l'esprit.
Puis-je nommer première l'intelligence des yeux ?
Puis-je préférer les raisons au sujet ?
Je veux assujettir l'esprit.
Du cœur surgit une merveille
Et des yeux je convaincs.
Que sont les yeux sans le cœur ?
L'être humain obéit aux yeux et au cœur,
L'enfant n'écoute que son cœur.
J'admire l'enfant.
Que disent mes yeux en l'absence du cœur ?
Rien ! C'est un tambour qu'une chanson efface.
Mes yeux parlent vrais si le cœur des autres les reçoit.
Ainsi d'un parler peut naître un aimer.
Dans la nuit noire en acier,
Je vois l'immensité.
C'est un cri déchirant,
Un rayon blanchi d'argent,
Une agonie comme le vent,
Un éclair venu de l'horizon.
Ce sont des fontaines d'or,
D'or et d'amour sensibles,
De fidélité et de bonheur,
Que je voudrais chanter toujours.
Et ces chœurs chantent
Dans une nuit vide en acier.
Est-ce la nuit que je rêve
Ou maintenant ?
Ai-je rêvé que je rêve
Et vais-je me réveiller ?
Car cette image, cette présence pure
Viendra dire à mon cœur où trouver la vérité.
Car la voie que tu m'as ouverte mène au mystère
Et son chant miraculeux et sacré,
Par delà le mythe créé,
Va me combler des joies du ciel.
Pas les joies passagères des attachements,
Mais les joies éternelles, vivantes et certaines,
D'une plénitude au bout du chemin
Que tu m'as ouvert !
Je n'ai qu'un mot qui me chante dans le cœur
Et ce mot revient toutes les heures.
Je n'ai qu'un mot et il est plus fort que le vent.
Je n'ai qu'un mot et je ne parviens pas à le dire.
Vagabonde, nuage !
J'ai compris ton message
Que d'un air mystérieux,
Tu déverses des cieux.
Et toi aussi, rivière
Du vent, chantante et fière,
Répands ton oraison
D'ici à l'horizon !
Éternelle croisière
De changeante lumière
Qu'au levant, qu'au couchant,
Me rappelle le vent.
Car c'est toi, cet espoir
Qui me permet de voir
Le grand signe essentiel
Qui donne un sens au ciel.
Au cours des centaines d'années
Qui s'en vont à votre horizon,
Steppes sans fin, dites-moi donc
Quel dieu d'azur vous a créées ?
Steppes vertes d'or et de sang,
Calmes et bleues sous le ciel clair,
C'est dans votre grande lumière
Que je trouverai mon chemin.
Éternels engrenages
Qui m'ont coincé les doigts,
Vous êtes mes voyages.
Menez-moi où je dois !
Ne plus rien refuser
À présent que le monde
Veut bien utiliser
Mon âme vagabonde.
Comme la nuit est claire !
Elle brille en mon cœur
Et l'enfance m'éclaire
D'un limpide bonheur.
Et je danse et je chante
Sous le ciel étoilé
Et tout m'aime et m'enchante
Comme un grand feu d’été.
Vers la joie pour qui voit
Les deux yeux du géant !
Vers l'amour pour qui croit
À la fin du néant !
Comme la nuit est claire !
Je regarde et j'écoute
Et l'étoile polaire
Illumine ma route.
Ami, je t'appelle cette nuit,
Ami, j'ai besoin de ton appui.
Écoute le doux et triste chant
Que le ciel étoilé nous apprend !
Ami, écoute un instant ma peine,
Qu'au loin le vent étend sur la plaine.
Ami, ami, triste est cette nuit,
Ami, je t'appelle, toi qui luis.
Le soupir de la mélancolie
M'enlève toute joie à la vie
Et le ciel, et l'étoile, et l'angoisse
Reprennent leurs fracas éternels.
Alors moi, comme l'ombre qui passe,
Je les entends et fuis leurs appels.
Épris de liberté,
Je m'en vais sans fierté
Conquérir le matin
Et d'un rire enfantin
M'endormir dans la nuit
Du monotone ennui
Dont mes anciens copains
Sont déjà les sujets,
La nuit qui sans objet
Oublie les grands destins
Qui étaient le royaume
Qu'habitait mon enfance
Où je sentais sur un dôme
La divine présence.
Et régnant sur la terre,
Chevaliers, saluons,
Fonçons tel le tonnerre
Défendre l'orphelin,
Emparons-nous du mont
Dans le jour cristallin !
Mais à présent mes terres
Sont bien abandonnées.
Alors moi, pauvre hère,
Je cherche en vain la fée
Qui montrant ces grands champs,
M'enseigna que sur terre
Seuls règnent les grands vents
Qui claquant nos bannières,
Indiquaient le devoir.
À rien ne sert de voir
Mon champ abandonné.
Je n'ai rien oublié,
J'ai retrouvé la voie
Où depuis le début,
Pauvre banni perdu,
J'aurais trouvé la joie.
Car toi, simplicité,
Tu devras me guider
D'ici jusqu'où l'étoile
Qui unit les destins
Me dira, amicale :
« Repose-toi enfin. »
Légère eau, dans quel val
Mènes-tu mon espoir ?
Vers quel pur idéal
M'en vais-je dans le soir ?
Légère eau, toi qui sais
Mon secret, le mystère
Dont mon cœur est blessé
Et l'amour de la terre.
J'ai beau chanter
Quelque étendue,
La vérité
Ne vit que nue.
Soudain ma soif d'amour est rassasiée
Par un songe inhumain et parfait.
La planète tourne sur un double socle en acier
Et le monde rayonne dans mon esprit.
Le paysage s'estompe, il s'abîme de nuit.
Les étoiles d'août paraissent pleines de vie et de bonté.
Mon âme est sensible à l'infini.
Horreur !
Je sens la présence d'un dieu
Et je fuis !
Si je savais qu'au loin, sur l'océan immense,
Un navire en acier avançait en silence.
Si je savais qu'au loin, sa fumée m'appelait,
Si je savais qu'au loin, un marin m'invitait,
Je vous traverserais, mers, récifs, océans,
Et je verrais ce que j'attends depuis longtemps.
Si je savais qu'au loin, derrière la clarté,
Si dans un bel écrin était la vérité
Ou si tout simplement, dans ce petit jardin
Isolé tristement, se trouvait mon destin !
Si je voyais mon soleil, si je trouvais ma voie
Qui m'appelle à partir sur un chemin de joie,
Je franchirais le val et trouverais réponse
À mes tristes chagrins pour lesquels je renonce.
Si je savais qu'au loin, derrière les maisons,
Au hasard des chemins, par-delà l'horizon,
Si je voyais enfin le bel et grand empire !
Je dois croire en la vie, ici, dans mon sourire.
Quand s'élève la chanson,
Dans le ciel qui nous éclaire,
Je pense au cri de la terre,
Qui vogue vers l'horizon,
Je pense aux pleurs qui s'en vont,
Qui coulent à l'abandon.
Non ! Il n'est plus lieu de geindre,
Il n'est plus temps de nous plaindre.
Cessons enfin de gémir
Et commençons de bâtir !
Construisons notre cité,
Refondons le grand été,
Dont le tendre chant aimant
Nous servira de ciment !
Et le soir, quand les travaux
Auront établi l'empire,
Autour du feu qui expire,
Vivra le pays sans maux.
Je délaisse la terre et deviens aérien.
Partout autour de moi s'élève la lueur
D'un lever de soleil qui me baigne le cœur
Et je chante et je crie un espoir icarien.
Et la folle ascension de mon cœur exalté
Me récite la force de l'homme et des cieux,
L'absolu de l'enfance et un chant mystérieux.
Je vois l'envers du monde et les enfants d'été.
Je créerai un chant d'apothéose
Pour secouer l'aurore.retour
La perfection d'un chant a bientôt franchi les monts.
Et je m'en vais,
Attaché à l’étrave lointaine
Qui découpe les flots par centaines.
D'un monde tourne la porte,
Du ciel s'ouvre la clef,
Ce n'est plus le plateau de l'enfant,
Mais une plaine de mille lumières,
Un quartier de soleil.
Fuis, enfant ! Je crains ton regard en ce moment.
Plaine de mille chants, hors des basses vues terrestres,
Pleine de mille cris justes qui aspirent à l'harmonie.
Je m'en vais,
Attaché à l’étrave lointaine
Qui découpe les flots par centaines.
Flots sombres d'une mer lourdement agitée,
Contenue d'un son édifiant deux remparts nocturnes,
Envoûtante d'angoisse, lointain terrifiant.
L'étrave lointaine m'a déposé sur une île
Pleine de sable doré et de soif terrible.
Et soudain l'étrave m'arrache à l'île,
Elle m'entraîne au large
Dans les flots et dans la nuit.
Elle me conduit aux ravins d'où je suis parti.
J'erre,
Attaché à l'étrave lointaine
Qui découpe les flots par centaines.
C'est l'enfant, l'étincelle du jaillissement
Dans une nuit d'enclume noire,
Une fontaine d'étoiles qui se dispersent
Et constellent le cosmos tout entier.
C'est la lumière tournoyante d'un phare,
La pointe d'un clocher dans l'horreur du jour,
C'est ce chant qui soudain sépare
Le puissant d'un jour du vrai de toujours.
C'est une grotte mystérieuse et profonde
Qui s'achève en éclats de lumière,
C'est le soleil de minuit,
Ce sont des joncs de clarté.
Je vogue dans un étrange univers
Peuplé d'étoiles laiteuses,
Planantes comme immobiles,
Jaillies d'un même chœur.
Ces étoiles ne sont pas fixes,
Elles tremblent dans le crépuscule.
Ces étoiles planent et sont molles
Comme un brouillard de cauchemar.
Je vois une étrave blanche
Qui découpe les flots d'herbes noires.
Un enfant – est-ce moi ? – pilote ce navire
Vers le feu d'un rayon lumineux.
Dans ces cris, dans ces clartés,
Le même chant souverain prend place.
C'est l'offrande d'un enfant qui avance
Dans un ravin peuplé d'un vent éternel.
Soufflant mille oiseaux et mille cris,
Striant d'orient en occident
D'éclairs d'orage et de lumières.
Je suis fou, je crie.
Des chars de lumière passent
Et les rayons de leur roue
Me virevoltent dans la tête.
L'étoile !