De l'aube à l'aurore - Voie sans issue - Sillons

Un monde à refaire

Ravines
Ravines



Sillons


Liste des poèmes

J'en sais trop
Vocation
Sans les animaux
Tel un grand bloc
Ruines
Rails
Voir le soleil reluire
Je suis cette ombre
Saint-Mort
Sillonnaires
Ainsi va chaque errance
Dépenses
Le soir descend

Filet ariettes


J'en sais trop pour ignorer mon ignorance,
J'en sais assez pour me méfier des idées.

Lorsque j'entends les être humains discourir,
Je ressens de l'impuissance et je me dis :
« Que d'illusions ! Que de chimères ! »

Amis, je vous aime dans votre détresse
Et je suis prêt à tout vous donner.
– Parlez tendresse, les oiseaux –
Je ne soulèverai aucune polémique,
Je préfère alléger les souffrances.

Cessez de rêver et sauvez votre vie,
Quittez vos craintes et vos mirages,
Soyez pleins d'accueil fraternel,
Revenez sur terre et vivez simplement !

Et si cet appel paraît trop simple
Aux gens avisés et responsables,
Je m'en irai l'adresser aux enfants.

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Filet ariettes


Petite route, sentier d'épines,
Pourquoi devrais-je devenir prêtre ?

Voilà que l'athée anticlérical
Flirterait avec l'église pécheresse !
À quelle ineptie en suis-je arrivé ?

Tant d'autres chrétiens,
Bien plus valables et bien plus sérieux,
Pourraient emprunter cette route.
Et pourtant je les vois insoucieux
Regarder l'effondrement de l'Église
Comme s'il s'agissait d'une séance filmée.

Est-ce moi, l'athée anticlérical,
Qui devrais reprendre le flambeau ?
Moi qui ne suis rien, moi qui suis si faible !

J'en souffre et je ne sais quoi dire.
Qu'en dit Jésus ?

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Filet ariettes


Qui m'a dit, qui a osé me dire
Que nous pourrions vivre sans les animaux,
Que l'essentiel est l'Être Humain,
Que le reste n'est rien ?

Sur ma route j'entends des archipels d'oiseaux
Chanter la beauté du jour
Et je deviens oiseau
Et je les écoute attentivement.

Et que m'importent
Les machines, les religions et les billevesées humaines ?
Sur ma route j'ai la paix
Et cela me donne envie de la partager.

Un chant pur, un chant de lumière,
Un petit soleil qui tend les deux mains
À notre misère, à notre faiblesse,
Un petit soleil tout innocent,
Tout blanc, tout joyeux, tout lumière,
Un petit oiseau auréolé de soleil.

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Filet ariettes


Tel un grand bloc intraitable,
Insoluble, invincible,
Tel un cube noir et vide,
Tel un néant insondable,

Qui ferme notre esprit,
Forgeant l'incohérence,
La contradiction
Et la complexité !

Oh, tout faire exploser
Et voir clair quand même,
Voir clair une fois !

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Filet ariettes


Coin brisé d'un mur fendu,
Ruines sombres qui cachent
Notre ancienne clarté.

Car les rais de lumière et les gouttes d'or
Rayonnaient naguère en gerbes dorées
Comme des arches, comme des arbres,
Comme les jeux et les rires d'un enfant.

Les ruines s'étalent dans notre nuit
Et couvrent notre éteinte clarté
Et le sang coule et les pierres roulent
Et notre cœur se surprend à pleurer.

Les ruines obscurcissent la terre
Et sont pleines de vides et de débris
Et soufflent les longs vents de la peur.
Comme mon âme est triste et creuse !

Voici qu'une goutte brille sur les ruines
Qui cachent notre défunte clarté,
Une goutte d'or et de prière,
Et remplie de chagrin.

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Filet ariettes


Rails qui se rencontrent à l'infini,
Rails divergents et convergents
Rails dispersés en rais de soleil
Diffus et précisés,
Assemblés et divisés,
Sous l'arche du pont en briques,

Routes étonnantes et puissantes
Qui nous tracent des sillons d'espoir
Dans le brouillard et sous le soleil,
Confusion qui ne cesse de grandir
Dans notre esprit serein et troublé.

Tout renouveau prend naissance
Dans le hasard et la nécessité.

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Filet ariettes


Voir le soleil sur la voie
RELUIRE.

Mais où mène ce rail
Et pourquoi brille cette lampe,
Ce miroir ou ce métal ?

Vaincre le puissant monstre
Qui nous obstrue la raison.

Flanquer par terre
La lumière qui nous éblouit,
Vaincre en chantant
L'incertain qui nous égare,
Rendre le pur au pur
Et le rail au soleil.

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Filet ariettes


Je suis cette ombre
Que vous voyez passer la nuit
À pas de sourd, à pas de mort
Dans vos rues sans signification.

Je vais lourdement
Portant une dure croix
Qui me crucifiera.

Je vais lourdement
Ressassant ce que je vous ai dit,
Redisant ce qu'on aurait dû faire,
Regrettant qu'on n'ait rien fait.

Je vais lourdement
Pénétré de secrets mais grands espoirs,
Cherchant une issue au monde,
Perçant l'injure faite aux êtres humains,
Voulant MIEUX pour eux,
Ne trouvant pas,
Mais n'abandonnant pas,
Ne vous abandonnant pas.

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Filet ariettes


Saint-Mort, je te chante,
Saint-Mort, je te crie.

Pour les jambes de enfants,
Pour les pieds qui te foulent,
Qui foulent ce bitume que je foule,
Mais qui n'ont pas de pont pour passer sur la vie.

Je te crie mon espoir
Mais il est peut-être trop tard.

À gauche, à droite, voilà la nourriture de l'homme !
À gauche, à droite, fera-t-on de la pourriture d'atome ?
Ton sol n'avait-il assez de l'injure du home,
« L'heureux abri », malheureux débris.

Ce sol était parcouru par des jambes d'enfants,
Cent fois reprise cette route qui ne mène nulle part,
La route du home, l'horizon du juge ;
Mille fois reprises, ces lignes d'erre,
Enfants de la misère, enfants de la nuit,
Rejetons du home froid,
« L'heureux abri », malheureux débris.

Saint-Mort,
De toi ils veulent faire un espace mort.

À droite, l'usine à tréfiler les enfants,
Devant, l'usine à écouler les polluants,
Ici, l'usine à irradier les gens,
Partout la police multiplie les agents…
Fuis, fuis ce cercle d'acier
Ou bien ferme les usines !

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Filet ariettes


Il y a ceux qui ferment le monde, ceux qui brisent notre espoir d’une humanité enfin libérée,
Ils sont pleins d’un gros bon sens, « fesser l’enfant lui fait du bien, qu’il passe dans le moule et ne s’en plaigne pas !
Moi, j’ai les panards bien au chaud dans mes pantoufles, ce qui se passe deux maisons plus loin, ne m’intéresse pas. »
Moi, je parle pour nous, pour une main qui a saisi un outil, pour un œil qui a suivi un espoir
Et malgré tous vos discours, vieux singes, grands philosophes, je sais que j’ai raison.

Impénétrables, exilés, étendus de tout horizon, sous la même coupole de nuit, creusons
Nos sillons dans la terre, pioche brandie, silencieux et souffrants, pour que demain nos enfants vivent dans la clarté
Amis, nous avons raison…
Quand je vois au loin vos bivouacs, vos feux de deux sous au bout de vos sillons, et votre visage buriné et votre hésitation, ce doute sans cesse douloureux de l’être humain,
Quand je prends ma pioche, arqué dans l’effort, seul infiniment seul, capitaine sans équipage d’un vaisseau de nuit, égaré,
Je sens notre faiblesse, et notre grandeur aussi, et la chaude humanité de votre espoir toujours repris m’encourage à reprendre la lutte,
Ami, où que tu sois, creuse profond !

Amis, je tairai vos noms,
Par pudeur, et aussi parce que la vraie dignité est discrète, et aussi par respect pour votre travail, parce que vous ne me lirez pas, parce que vous ne supportez pas les feux de la rampe,
Amis, je tairai vos noms parce que je sais que je dois les taire.

Aujourd’hui l’homme se tait, il est condamné au silence ; aujourd’hui l’homme est minorisé, on lui refuse sa chance,
Ami, prends ta pioche et creuse ! Notre travail est un long et lent travail de sape.

Ils ont même dressé contre nous ceux qui auraient dû être nos plus sûrs alliés ;
Ami, garde le silence et creuse ; quand le tyran passe, il ne fait pas bon parler.
Ils ont dressé contre nous ceux qui auraient dû creuser à nos côtés.
C’est qu’ils ont voulu dénouer les liens sans délier de la peur et du ressentiment et quand ils ont vu ces mains libres frétiller, ils ont supplié qu’on resserre les liens plus durs qu’avant.

Ami, où que tu sois, creuse profond ! Ne laisse pas le désespoir te submerger ! Regarde les bivouacs de tes frères qui, eux aussi, luttent dans la nuit d’encre.
Tu sais que tu as raison, mais il y faut la foi, la passion et la ferveur ; il y faut les cals, la sueur et la douleur ; il y faut une petite chair d’homme qui veut rester digne d’elle-même.

Ami, nous vaincrons,
Nous vaincrons parce que nous avons raison,
Les choix d’aujourd’hui disparaîtront.
Un jour, tes enfants n’iront plus à l’usine, fatigués de crasse et d’ennui, étrangers à leur propre vie,
Mais comprends bien, ami, que ce n’est pas les envoyer à l’Université qu’il faut faire, mais rendre l’usine inutile.
Demain nous refuserons cette vie ; ce confort n’est qu’un leurre et entrave nos pas,
Ami, où que tu sois, creuse profond !

Cherche ma main ! Te faut-il tant ? Manger, rire, aimer, dormir, vivre, tout cela passe-t-il par l’usine ou par celui qu’elle enrichit ?
Cède le pas, prends ta vie en mains !
Celui qui vit de ton travail et déjà capture tes enfants ne sert que la détresse de tant d’autres ; ils meurent par millions de faim !
Auras-tu, comme eux, le cran de faire ton bonheur sur la mort et la souffrance des autres ?
Aujourd’hui cède le pas et ne deviens pas comme eux !
Définis ta voie, ne triche pas ! Demain nous serons moins riches, c’est sûr, mais nous serons nous-mêmes.
L’École t’a abêti, la Société t’a humilié ; cède le pas et prends la route !
Refuse l’École et prends en charge l’éducation ! Qui le peut mieux que toi ? Sûrement pas l’Éducation Nationale !
Refuse cette Société et crée ta communauté ! Elle te prendra en charge, toi et tes enfants ; tu la prendras en charge et tes enfants s’en éduqueront.
Je ne te donne pas de plan ; je t’indique des chemins, je te trace des sillons.

Ils sont venus un à un, retenus l’un par l’autre, mus d’un espoir commun, vers un fanal égaré dans la nuit,
Ils ont chacun leurs espoirs, et leur secret surtout : une pierre blanche scellée au fond de leur cœur.
Ils ont de la révolte, ils ont de la grandeur ; ils ont compris des choses, beaucoup de choses malgré leur âge.
Car ils ont vu des enfants d’ouvriers, des enfants de pauvres, humiliés, insultés par un Système qui n’a que faire des laissés-pour-compte.
Ils ont vu l’éclat d’un être humain et ce regard que rien ne peut briser ; ils ont vu un être vivant là où d’autres voyaient un numéro.
Alors, à leur tour, ils ont pris la route. Où vont-ils ? Qui sait où nous mènent nos éternelles errances ? Ils ont pris la route, seul cela importe !

Moi aussi je crie ma révolte et j’en souffre depuis longtemps.
Ami, en chaque être humain reposent tant de choses secrètes et vraies qu’un seul signe me touche profondément,
Chaque être, chacun sa flamme, ses yeux tendus.
Ami, pour un enfant qui regarde un oiseau voler, ferme les usines !
On nous a roulés, on nous a dupés ; on nous a promis, ils se sont sucrés. Mais le jour où nous nous lèverons, cela changera ; c’est pourquoi ils s’efforcent de nous maintenir à genoux.
Et tout leur est bon, de l’École au Patron, du Syndicat à la Télé, et tout est fait pour nous désespérer, pour nous briser dans un monde qui nous aura trop tôt tués.
Non, ami, toi aussi, tu dois commencer ton exil. Cède le pas, refuse la lente mort qu’on te propose, prends ta pioche et creuse, creuse profond !

Pour toi, Jean-Marc, et ta croix phosphorescente, et pour l’orange que tu m’as donnée, pour tes compagnons et leur vie déjà bafouée, ces quelques lignes,
Laisse-moi taire ton secret, il n’appartient qu’à toi.

Pour ceux qui mouillent leur oreiller et qui ont dur de vivre, alors qu’ils pourraient vivre debout, comme tout autre enfant ; pour ceux que dès l’enfance on humilie…

Et aussi pour ceux qui vivent avec eux, pour ceux qui jour après jour doivent les éduquer, qui font leur gagne-pain et leur lassitude de l’éloignement des gosses,
De leur froideur, de leur dureté, de leur rire et de leur blessure ; pour ceux qui ne peuvent ni l’accepter ni faire autrement,

Pour tous ceux-là, ami, ferme les usines, change la société, prends la route et reviens à l’essentiel.

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Filet ariettes


Ainsi va chaque errance son propre destin ; elle trace des lignes que le temps gravide enfouit peu à peu.
Ce coup d'aile géant un instant entrevu n'était pas l'ombre d'un aigle, ce n'était qu'une illusion du vent,
Le fanal s'est éteint, il s'ouvre sur la nuit et seuls pèsent la tristesse et l'ennui des errements,
Des erreurs sans cesse répétées, des visages à la recherche de digues, des errants qui s'évadent en criant.

Ils ont écarté l'espoir et la recherche ; de leur lassitude, ils se sont enlisés dans la moiteur des marais,
Ils allaient bâtir un ciel d'été, une joie nouvelle ; ils ont creusé les sombres galeries qui mènent à l'enfer,
Ils ont égaré leur révolte, leur pierre blanche et se sont alourdis de chaînes,
Ils ont édicté des règles, des codes et des interdits à n'en plus finir d'énumérer,
Ils ont substitué à la rencontre de l'enfant vivant l'immuable et froid respect du règlement.

Et depuis qu'ils accumulent les crimes, ils ne cherchent qu'à se trouver des justifications :
« Ils sont incapables d'autonomie, il faut les contraindre ; plus tard on leur rendra leur autonomie… »
« La société est rigide ; il faut être rigide avec eux pour les sortir de leur marginalité… »
« Tu ne peux pas les laisser gagner, tu dois les contraindre ; sinon ils vont se croire tout permis… »
« Je sais comment m'y prendre ; mon frère aussi, je l'ai contraint et nous sommes restés bons copains… »
« De toutes façons, l'enfant, on ne peut pas le comprendre ; alors ce n'est pas la peine d'essayer… »

Ils se sont mis à soumettre, à diriger, à mater, à contrôler et ont transformé l'enfant en numéro,
Ils se sont refusés d'y voir un être vivant, un regard que rien ne peut briser,
Ils ont « éduqué » - c'est à leur sens maintenir la discipline et rester sourd aux cris de l'enfant -,
À celui qui mord, qui leur lance son désarroi, ils répliquent : « Tais-toi ! Cesse ! Sois conforme et tais-toi ! »
Pour eux, seul comptent les règles et les interdits et c'est ainsi qu'ils ont rejeté l'enfant dans sa solitude et son angoisse,
Ils l'ont abandonné dans sa tempête, éternel errant à la dérive, exilé et démuni d'un monde trop sûr de bien savoir.

Ainsi va l'errance des éducateurs, d'écueil en écueil, d'erreur en erreur, de douleur en misère,
Ainsi va l'errance des enfants trop pauvres pour qu'on cherche vraiment à les comprendre et à les aider,
Ainsi en va-t-il d'une démarche qui s'épuise bien vite, faute d'être alimenté par la révolte et par l'analyse.

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Filet ariettes


On dépense pour les canons,
On dépense pour les prisons,
On dépense pour reconvertir la sidérurgie et les charbonnages,
Et quand on se tourne vers nos enfants, vers leur vie à faire,
Il ne reste plus un sou.

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Filet ariettes


C'est le soir qui descend sur le cœur des êtres humains, Sur leurs peines et sur leurs passions, Sur leur labeur et sur une goutte de sang, Sur celui qu'on dorlote, sur celui qui fugue, Sur tous ceux qui errent dans les sillons du monde.

C'est le soir qui descend dans le cœur des êtres humains, Un oiseau trace un signe géant dans le ciel, Mais les êtres humains ne le voient pas, Ils restent là et ils sont las.

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