Noire Europe d'acier, toi l'étau de mon cœur,
Toi l'oubli du bonheur, Grand État Policier,
Ecrase nos enfants dans tes sombres égouts
Avant qu'ils n'aient le goût de comprendre le vent !
Noire Europe d'acier, ta face de sorcier
Vante l'indifférence et nie toute espérance.
Tu m'as guidé, enfant, et je suis devenu
Cet errant qui te sied, noire Europe d'acier.
Salle morne et vide qui résonne dans le monde,
Je m'efface et l'étoile s'endort moribonde.
Je ne suis qu'une ombre, qu'un spectre livide
En lequel l'enfant sombre et qui, calme et tranquille,
Dans cet espace vide, indique une froide ville.
Je suis le morne écho qui, le long des noirs murs,
Parle comme un robot dans des pays obscurs,
Maté par l'angle froid et par l'angle aigu du droit.
Je suis soumis aux lignes, perdu dans les consignes,
Devant obéissance à l'immense indifférence.
Noire Europe d'acier qui broie l'esprit des corps
Au gré de tes desseins dans ton ordre financier,
Noire Europe d'acier, en moi reste un brasier
En dépit de ton silence et de ta froideur.
J'ai le cœur d'un enfant qui dessine la joie dans nos corons,
Qui me trace une voie qui subsiste en dépit de toi
Et si tu me maudis, mon filet de voix te dira :
« Vois, ami, ce que nous sommes, ils existent, les hommes. »