De l'aube à l'aurore - La marche d'étoiles (9/10)

Un monde à refaire

Lune dans le ciel

La marche d'étoiles (9/10)

Nuit d'hiver dans les bois

Les étoiles occupent tout l’espace et celui-ci devient éblouissant ; toutes les clartés convergent en une seule, puissante et absolue, qui éclate en une multitude de flammèches claires.

Le cosmos devient bleu métal et les étoiles, qui ne sont plus que de froides masselottes en acier, enserrent le jeune garçon et le compriment jusqu’à l’écraser, l’anéantir ; Marc devient minuscule dans cet univers de structures métalliques.

Cet arrière-plan bleuté bouillonne et des bulles, lumineuses et minuscules, explosent ; elles sont de plus en plus nombreuses ; Marc reprend sa taille normale, mais si le ventre a disparu, par contre la tête et la poitrine grandissent démesurément ; dans le même temps les explosions ont cédé la place à un fourmillement d’étoiles.

Le ventre reste coincé dans un étau d’une dureté terrible et la pensée de Marc, submergée par les étoiles, ne parvient plus à être cohérente.

Cette incapacité fixer sa pensée et ces hallucinations fantastiques l’inquiètent et le ravagent à grands coups d’angoisse ; des tourbillons et des cyclones lui traversent le corps, l’emportent dans l’espace, le laissent tomber du plus haut du ciel ; la chute, vertigineuse, affole l’enfant, mais au dernier moment une lame sauvage s’en empare et le transporte dans le souffle grondant de l’océan à travers l’ouragan vers un volcan qui le pulvérise dans les étoiles.

Marc se laisse dominer par le délire.

Il devient de plus en plus petit, presque invisible au milieu des éléments déchaînés.

Les formes fluides se regroupent en longues bandes d’ombres et de lumières aux teintes bleu marine et brun verdâtre ; le paysage se colore en ocre et orange, des rondes lumineuses fondent les étoiles entre elles et tournent autour du garçon à grande vitesse.

Enfin la farandole lumineuse cesse et de grandes flammes irréelles, rutilantes, l’encerclent d’une muraille de chaleur ; elle s’élève, le recouvre, il se consume dans un grand brasier en forme de coupole.

L’enfant est projeté très haut dans le ciel et retombe sur une terre désolée d’un vert bleu sombre ; tout scintille lentement de gauche à droite puis d’avant en arrière, en tournoyant ; Marc se laisse prendre au rythme apaisant qui l’endort peu à peu.

Les étoiles explosent juste devant les yeux et Marc soulève les paupières ; tout l’espace est lumineux, les étoiles sont fixes et éclatent en grossissant ; elles sont de plus en plus nombreuses ; la douleur s’empare du jeune garçon.

Marc parvient peu à peu à s’écarter de cet univers pauvre et désertique.

Le délire diminue, mais la nausée reprend ; cette fois il ne peut plus se retenir, toute la poitrine s’arrache dans la gorge et sort par la bouche ; tout son corps fait mal et sa gorge brûle atrocement ; sa bouche est dégoûtante et pleine de sang.

Mais avoir vomi calme un peu le mal et la vision correcte des objets revient ; il faut en profiter pour trouver du secours.


Marc se lève, avance un pied et marche ; c’est moins pénible qu’il ne le craignait ; cependant il comprend vite que ce ne sera pas facile, car il doit constamment revenir de la route vers l’accotement qu’il ne parvient pas à suivre.

Peut-être tout n’est-il pas perdu ? Plus bas Marc voit apparaître un village ; il ne peut pas espérer l’atteindre rapidement, mais de la patience et des efforts réguliers le lui permettront si la maladie ne contre-attaque pas.

C’est au moment où ils croient que tout est perdu que l’aviateur, l’explorateur, le trappeur atteignent leur but.

Les étoiles réapparaissent, elles dansent devant les yeux, mais il suffit d’aller tout droit ; Marc concentre toute son attention pour conserver une claire vision des choses.

La gorge fait très mal, mais les nausées ont cessé ; ce qu’il faudrait, c’est étouffer l’incendie qui lui dévore la poitrine.

Pourtant que le salut est proche !

Un hurlement strident le fait tressaillir ; Marc se retourne, une masse noire ! Il perd l’équilibre et bascule dans le fossé ; c’était une masse noire, une grande ombre sauvage, une voiture ; la chute l’a sauvé, car sans elle le véhicule l’emportait comme un fétu de paille.

Toutes les douleurs se réveillent ; il faut repartir, les maisons ne sont plus loin.

Marc lance les bras au-dessus du fossé et tente d’en sortir en rampant ; il grimpe peu à peu en rassemblant toute l’énergie qu’il lui reste ; déjà la tête et les épaules sont sur l’accotement ; soudain il glisse, pas moyen de se retenir ! et se retrouve au fond du fossé.

Alors sa volonté abdique ; il n’en peut rien si la voiture a provoqué sa chute alors que le salut était à deux pas.

C’est effrayant de ne rien pouvoir faire, d’être condamné à subir de nouvelles tortures alors qu’un bon feu chaud l'attend quelques pas plus bas.

Non ! Cela ne finira pas ainsi, Marc se lance avec rage à l’assaut du fossé et s’agrippe tant bien que mal à tout ce qu’il trouve sous la main, il tend ses muscles. Un long effort ! La moitié du corps passe, il est sauvé.

Ensuite il reste étendu quelques minutes pour reprendre son souffle.