Le poète regarde l'ombre béante de la nuit.
Dans l'usine, la fulgurance des tubes en acier glace la nuit d'éclairs.
Le poète erre dans la nuit ; l'angle aigu et l'angle froid ont tous les droits.
Mais le poète voit l'enfant, et les armes et la haine et les cris.
Il a les mains levées, l'enfant, et le visage clair,
Il ne sait pas qu'il doit mourir, qu'on va en cachette le tuer.
C'est un oiseau blessé que l'on veut tuer, un oiseau du ciel.
L'oiseau blessé est emmené, apeuré, dans la nuit des malheurs,
Une plainte, un cri de douleur dont résonnent les murs, et je souffre.
Il est perdu, le pauvre oiseau ; il s'en ira, on va le tuer, et je pleure.
Pas de pitié ! La ville est noire et la machine est aveugle.
Il ne chante pas le chant du poète, le pauvre oiseau, il n'implore pas pitié.
Dans son malheur il ne sait plus chanter, et le barbare ignore la pitié.
De chants il ne connaît que le hurlement de la grue et la grêle du train sur la voie.
Et l'oiseau est mort sur la terre désolée, son ombre s'en est allée.
Vous qui livrez les petits martyrs et leur sang à de mains assoiffées,
Vous qui livrez les innocents à des bourreaux embrigadés,
Vous qui tuez la joie et le rire et les yeux ardents,
Vous qui tuez le rêve et le faible et le simple et le doux,
Vous n'osez affronter la vérité.
Je voudrais mourir de douleur, dans les éclairs et dans les pleurs.
Pourquoi faut-il que je vive dans un monde pareil ?
Pourquoi faut-il que j'y vive encore ?