De l'aube à l'aurore - L'ermite et le pèlerin - Lamontjoie (22 mai 2011)

Un monde à refaire

Cabo Fisterra

Lamontjoie, 22 mai 2011

Finalement je décide de suivre fidèlement le GR, quitte à faire une dizaine de kilomètres de plus. Je comprends que Robert préfère couper au court vers Moirax, car il a fort mal aux pieds.
Nous resterons en contact au moyen de nos portables et nous nous téléphonerons à Lamontjoie.

Je pars à cinq heures vingt et j'arrive très vite à la gare d'Agen. Je suis étonné qu'elle soit si proche, elle est à moins de deux kilomètres alors que le chemin m'a paru interminable hier. La fatigue m'aura fait surestimer la distance.

L'abondance des nuages retarde le lever du jour. Ce n'est qu'à six heures et demie qu'il commence à faire clair, mais en ville cela ne pose pas de problème d'orientation.
Je traverse la Garonne et je longe le canal latéral.

C'est plat jusqu'à Roquefort.

Pont sur le Rieumort Je traverse un petit pont sur le Rieumort, à Lasmourèdes, près du canal latéral à la Garonne.

À Roquefort, un monsieur me dit que le temps est idéal pour la marche, mais que cela ne va peut-être pas durer. C'est bien mon impression, la pluie menace.

Le château de Roquefort Le château de Roquefort est un lieu d'hébergement pour les randonneurs et les pèlerins, mais je crains qu'il ne soit très cher.

Après Roquefort il y a quelques montées faciles, mais elles me semblent pénibles suite aux efforts d'hier.

La plus forte montée est celle de Moirax. Je marche sans énergie et j'arrive au village peu avant dix heures.

Je cherche une fontaine. Je vois un monsieur qui prend un chien en laisse. Je lui demande s'il y a un point d'eau.
Il me propose de remplir ma bouteille, il me parle de son intérêt pour le chemin de Compostelle et il m'offre une orange.
Il me dit que la pluie menace. Je mets ma veste imperméable, car il a raison. Quelques gouttes tombent à la sortie de Moirax.

Avec ses dix kilomètres d'avance, Robert doit être loin devant moi, je ne le rattraperai pas.

Je traverse une grande zone récréative avec beaucoup de vélos tout terrain qui passent très vite sur le GR, et avec des cavaliers. Il y a même un attelage qui suit le chemin qui longe la Jorle.
Il est vrai que nous sommes dimanche.

Je presse le pas, car la pluie menace de plus en plus. Je finis même par tracer.
Pas de Robert en vue, mais il est sans doute déjà à Lamontjoie !

J'arrive à la chambre d'hôtes de Marin Haut à une heure vingt, au moment du repas. La dame me laisse entrer et me permet de m'installer. Puis elle retourne manger.
Je prends ma douche et je me repose.

À trois heures, je descends pour régler le prix convenu.
L'intérieur respire l'aristocratie, la maison fait penser à une gentilhommière, une armure orne le hall d'entrée.
Mon hôtesse consent à me préparer le petit déjeuner dès aujourd'hui pour que je puisse partir tôt demain matin.

Elle me confirme sa proposition : je vais manger à Lamontjoie et elle vient me rechercher en voiture.
Elle me dit que le couple qui tient le restaurant est d'origine belge.

Je monte dans ma chambre, je téléphone à Robert et nous nous fixons rendez-vous à sept heures et demie au restaurant.

Mes pieds font mal, je prends un Dafalgan.
Je rédige mon carnet de bord.
À la salle de bains, une balance indique que j'ai perdu dix kilos depuis mon départ, mais est-elle fiable ?

Je suis fatigué après ma « course » pour échapper à la pluie, une course d'autant plus inutile qu'il ne pleut toujours pas !
Je me repose jusqu'à sept heures.

Je descends ensuite à Lamontjoie, à deux kilomètres d'ici.
Je passe le long d'un terrain de football, où un match crée beaucoup d'animation.
Je tente de sonner Robert, mais il a coupé son portable.

Je tourne un peu dans le village avant de trouver le restaurant, le « resto-bières ». Il fait la publicité des bières belges. Je prends une blanche des Ardennes en attendant Robert.
À chaque fois que je le sonne, je constate que son portable est coupé.

Je parle avec le monsieur qui tient le bar. En fait, c'est un vétérinaire d'origine belge, son cabinet est à côté du bar-restaurant. C'est sa femme qui tient le restaurant et il l'aide en tenant le bar.

Je lui parle du nombre élevé de vétérinaires belges en France. Il m'explique que les vétérinaires français ont voulu monopoliser le secteur en laissant les soins des petits animaux domestiques aux auxiliaires vétérinaires.
Le résultat, c'est qu'avec l'ouverture des frontières réalisée par l'Union Européenne, les vétérinaires diplômés dans d'autres pays, notamment en Belgique, ont investi le secteur.

J'essaie d'entrer en contact plusieurs fois avec Robert, mais son portable reste coupé. Finalement je me fais une raison : Robert ne viendra pas. Peut-être est-il très fatigué ou a-t-il trop mal aux pieds, je ne sais pas.

Je prends un pavé sauce béarnaise, frites, salade, ce qui me semble s'imposer à deux pas du Béarn (bien que la sauce béarnaise n'ait qu'un très lointain rapport avec le Béarn et Henri IV).
La sauce est ratée, mais cela me fait du bien de manger.

Je téléphone à mon hôtesse, que je surnomme malgré moi la « baronne » à cause de l'aspect aristocratique de sa maison, plus celle d'un hobereau que la demeure d'un seigneur.

Je vais à sa rencontre.
Nous nous retrouvons à hauteur du terrain de football. Le match est terminé et les gens s'en vont.

Elle me fait entrer dans sa voiture, elle manœuvre pour faire demi-tour sur la route étroite. Pour laisser passer une voiture, elle recule trop et elle se retrouve dans le fossé.
Le conducteur court jusqu'au terrain de football pour mobiliser ses copains. Un troisième conducteur en provenance de Lamontjoie vient aussi donner un coup de main et propose de venir avec son tracteur avant de prendre le volant de la voiture. Nous nous y mettons tous ensemble et nous sortons la voiture du fossé.

La « baronne » est une personne hors du commun.
Elle me dit que les gens du coin sont très gentils avec elle, qu'elle est un peu leur « merle blanc », ce qui correspond bien à ce que je ressens moi-même.
Je prends congé d'elle et je vais dormir.